Que faire d'un passé en exil ?

Publié le par la freniere

Il faut le sursaut du cœur pour s’extirper des méandres. Partir sans laisser d’adresse est une sensation d’exil outrepassant mes capacités d’existence. Je ne saurais pas vraiment dire ce qui s’agitait en moi, à ce moment là. Mais, un désir plus fort, plus copieux, me fit déserter cet antre de joie gratuite.

 

La mort dont je me souviens, demeure une mère nourricière. L’approcher de près, c’est prendre la mesure de l’inépuisable marche de résistance qui nous convoque à chaque pas. Le noir total illustre la paix définitive. On meurt plus aisément, sans doute, lorsqu’on est privé de soi. L’âme silencieuse n’est pas celle que l’on n’entend pas, c’est la fusion du silence avec l’harmonie des ondes lumineuses.   

 

Ma vie creuse l’espace entre une apparence désarticulée et le renoncement menaçant du désaccord. Elle se reconnaît dans l’expression. Dans la tentation qu’il y a de rattacher la parole aux herbes drues qui poussent entre les lignes. Entrelacé aux lianes des jours qui passent, sans trop savoir le lieu que j’occupe, il me semble entendre au fond de ma voix la résonance cruciale de la matière qui s’anime. Peut-être, même, ne suis-je que cela : un lieu comparable et une voix dans l’étincelle d’une pensée.

 

Pour avoir sondé abondamment le creuset du néant, je sais qu’il n’existe vraiment rien d’autre d’aussi vivant que la petite voix intérieure. Elle ne nous quitte jamais, pas même dans le sommeil, qu’il soit d’apparence ou vital. Lorsque je dis un mot, je le puise à la source initiale, au fondement de l’air qui me traverse. Je le filtre, l’essore s’il le faut, mais je fais corps avec lui. A tel point, que je ne sais plus si c’est lui qui est le maître des fusions qui me traversent ou bien ma réflexion. 

A chaque naufrage, j’ai reconnu dans l’idée que je me faisais de moi, l’insolence qu’il y a dans le désir de possession. Je crois que l’on ne s’appartient pas, que l’on profite de la reconnaissance des autres pour affirmer une fausse vérité. Que me reste-t-il de ce corps ? Qu’advient-il du chaos lorsqu’il rencontre le chaos ? Que faire d’un passé en exil ?

 

Tout juste si l’on est en mesure d’accorder notre pensée avec nos actes. Bien sûr, je ne veux pas dire que nous sommes des êtres sauvages ralliés au monde par notre seul instinct. Mais, je lui reconnais plus de puissance qu’il semble en avoir. Je ne vois du monde qu’une infime partie de ce qu’il peut prétendre me montrer. J’y découvre, surtout, ce qui provoque mon intérêt. La nature du Moi ronflant me déculotte. Mis à nu, le chemin de la tolérance me reconduit aux auges profondes d’une espèce en survie.

 

Bruno Odile -Tous droits réservés © 

Publié dans Poésie du monde

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