Sans corde de rappel
Le ciel monte à cru la montagne gelée. L'air burine. La solitude se tient debout comme une sentinelle. Une neige ancienne tente une forêt ; le dos d'un hérisson s'abrite de la peur ; un sureau, nuque pliée, bras levés vers le ciel, fatigue. Au pied de la falaise, sans corde de rappel, le silence ne demande plus rien. Doigts raidis paumes ouvertes, parole enfuie avec l'eau des ruisseaux, le poids du jour amenuise le fil. Un désert au milieu des images fait route sans trace. La drille de l'hiver a décapé les choses. Raides comme tabliers de rentrées, l'avant des pas dérape sur le gel. Chargée de mots comme l'autre de bois, la bouche s'amenuise. Des pensées se disputent des linceuls de graines. Des fantômes de rêves allument quelques feux. Sous leurs vieilles carcasses, parfois un craquement rend pathétique la résistance des écorces. Un portail claque sans vent, comme un souvenir. Contre un mur sec, une jonquille perce ses premières dents. Dans ce bric à brac vieilli, on dirait que la vie rassemble sa multitude.