Transhumance
Je suis grisé par l'ivresse des lieux, la verdeur des rizières, l'odeur de l'encens,
la grâce des femmes, la chaleur de la mousson, la volupté des fruits.
Je suis comme un enfant tétant le sein de sa mère, oubliant dans ces instants d'où je viens et où je m'en vais.
Je pénètre dans la profondeur du tableau au delà de l'image et des couleurs,
pour ne garder que l'émotion, au cœur même du murmure du peintre.
Je me scrute l'esprit ankylosé par trop de réflexions, trop de questions posées sans réponse, trop de rêves inutiles.
Je me gorge de la sève des racines de gingembre, de turmeric et de galanga.
Je m'abreuve du nectar d'hibiscus.
Je me réaménage l'intérieur, en me recomposant un décor minimaliste composé d'odeurs et de saveurs.
Je déguste ces instants ou tout semble arrêté.
Illusions.
Des grenouilles à ventouses sont suspendues aux feuilles des bananiers,
des araignées géantes font le guet au milieu de leurs toiles,
des chapeaux de paille flottent au dessus des épis de riz,
un varan me renifle sur la terrasse,
un bébé serpent se prélasse sur le plancher.
Je suis de passage dans ce monde inconnu,
je lis en brai, et vis par instinct.
Je m'endors au bout du monde au son du concert des cigales et des grillons.
Paysage emprunté entre le rêve et la réalité.
Pierre Séguin et Sonia Mondor