Une source

Publié le par la freniere

P

etit, j’ai demandé à boire. J’attends encore les gorgées d’eau. Je dessine une source au milieu de la page. Le jour vide ses poches dans les mots du poème. Dans la prison des jours, y a-t-il une porte que nous pourrions ouvrir, une autre terre que la prison d’un pot se demande la fleur ? Je voudrais retrouver la nudité de l’eau, le silence du lierre descellant une à une les pierrailles d’un mur, transformer le cercueil en berceau. C’est parfois l’absolu que l’on jette au rebut. On ne voit pas le ciel dans les yeux d’un soldat. L’argent est comme un clou rouillé dans la paume du monde, un mal de dent sur le silence.  Je lis dans l’herbe piétinée. J’écris sur le cours d’un ruisseau. Je renais dans la contemplation des bois, la chaleur sanglante des échardes, les herbes à marée haute.

J’écris de l’intérieur de la langue, celle portant l’épaisse matière humaine. Sur mon carnet de notes, les montagnes retrouvent la dimension du cœur. La mer monte entre les lignes. L’impulsion du vent anime la parole et proclame la vie. Elle agite en passant les derviches immobiles. Les mots poussent en boitant une brouette d’amour, une charrette pleine de foin. Les lèvres du poème repoussent le néant. Quand elle se tient penchée sur ma table bancale, c’est la vie qui écrit mes poèmes. Je lui sers le café et lui prête ma plume. Devant l’horreur, il m’arrive de mâcher du verre pour que saignent les paroles. Je n’ai que peu de choses mais l’amour me nourrit. Je fais ce que je peux pour le garder intact. Tout le reste, après tout, n’est qu’une triste histoire, des hommes qui se tuent, spéculent, font semblant. La véritable mort, c’est de ne pas aimer.

Je ne veux pas mourir insatisfait de la mort. Puisque personne ne lit vraiment, je me cache dans les mots. Le temps invente ce qu’il n’a pas vécu. L’oiseau des yeux s’envole dans la forêt des vitres. Le vent aiguise les épines, prend la forme des fleurs, soupèse de sa main la densité des choses. Laissons l’herbe pousser, les fleurs boire le ciel, les enfants s’évader. Tout ce qui est beau nous embellit. La moindre des caresses appelle une caresse et multiplie l’amour. La vie éclate dans chaque mot.

Publié dans Prose

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