Line Mc Murray
Née d’une famille franco-écosso-irlandaise, l’écrivaine Line Mc Murray s’est donné le mandat de documenter et d’enrichir la littérature québécoise de ce pan de vie oublié qu’est la culture forestière du Québec, celle des défricheurs et des pourvoyeurs de bonheur pour des urbains en mal de nature sauvage.Sacacomie, sa quinzième publication, est la suite — mais se lisant de façon autonome — de Nous les enfants, paru chez Liber en 2004. L’auteure a également complété un doctorat portant sur la pataphysique et a publié de nombreux textes dans différentes revues littéraires.
Line McMurray est une auteure multigenre. On lui connaît de la poésie, des essais, des récits, des dessins, des peintures. Membre de l'OUPOLPOT (Ouvroir de Politique Potentielle), du Collège de Pataphysique, de l'Académie québécoise de Pataphysique, elle a un penchant pour la poésie rythmée, sonore et visuelle.Comme membre de l'Agora, elle prépare actuellement un essai sur l'Écopsychologie tout en terminant une affabulation forestière en vers. Ses ouvrages les plus récents Nous les enfants, La beauté des petites bêtes que personne n'aime,Sacacomie constituent un éloge poétique à la nature, celle de St-Alexis-des-Monts, en Mauricie, son village natal.
Sacacomie est un recueil patrimonial, historique et documentaire parce qu’il raconte le quotidien d’une famille faisant commerce de pourvoirie de loisir, chasse et pêche en Mauricie. C’est un ouvrage sensible, touchant, émouvant, nostalgique du temps où il faisait bon vivre en toute simplicité, une simplicité volontaire avant la lettre.
Sacacomie est un ouvrage initiatique. Une plongée dans le passé, notamment celui de l'auteure, qui emprunte la voix de la petite fille qu'elle a été et qui prend conscience de l'originalité de sa propre enfance dans les bois, avec sa famille, dans des chalets sans électricité, ni eau, sauf celle qui était pompée du lac Sacacomie et de ses ruisseaux. Des chalets chauffés aux poêles à bois parmi lesquels se trouvait la bâtisse principale, appelée le Grand Club et datant de 1931, qui recevait des « touristes » américains et québécois, des familles avec des enfants, des groupes et des gens seuls, des hommes surtout, venus taquiner la truite. Le recueil chante les bonheurs d'une enfance libre, en pleine forêt, avec les bêtes sauvages comme amies. Le plus étonnant, c'est que l’auteure l'a écrit en « pays de connaissance », car c'est sa propre expérience qu'elle raconte, dans son village natal du bout du monde, un cul-de-sac ouvrant sur des chaînes de montagnes et des chapelets de lacs. Le Sacacomie est surtout « le lac de sa vie ».
Bibliographie :
..../Fiction, as/phyxion, trans/fixion - simulation, Outremont : NBJ, Cahiers du craie , ISSN 0704-1888 ; 4, 1985, 42 p. ; 20 cm. ISBN : 2893140513 (br.)
Notes : Constitue le no 162 de la Nouvelle Barre du jour
Notes : Constitue le no 161 de la Nouvelle Barre du jour
Notes : Constitue le no 194 de la Nouvelle barre du jour
Notes : Suivi de: Sacacomie Prix des abonnés des Bibliothèques publiques Mauricie Centre-Sud, 2005
Notes : Suite de: Nous, les enfants...
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Je laissais les souvenirs émerger du bercement de mon corps. C'est allors que j'ai entendu un bruit, semblable à des sabots écrasant le gravier. C'est la deuxième ombre qui m'est apparue. Étonnée, je tournai la tête vers le cjhemin Mc Murray, derrière moi et ma balançoire. Je vis alors quatre pattes, quatre longues jambes, fines, se déplaçant lentement, très lentement, l'air de déambuler avec une légère désinvolture. Je pensai aussitôt au cheval. J'ai un voisin qui vient parfois chez nous faire de l'équitation. La bête était peut-être égarée? Sans réfléchir aucunement, je me dirigeai vers l'ombre qui continuait sa ballade, s'avançant sans se douter vers moi. Nous avons fait un face à face, à une distance d'un mètre! Jamais la peur ne s'est emparée de moi, ni d'elle, la femelle orignal. Je rencontrais la grâce, telle qu'elle est désignée par les Amérindiens. Comment pouvais-je être effrayée par ce don de mère nature? J'étais ébahie, figée par une surprise s'effondrant dans mes muscles.
Et elle, que rencontrait-elle? Ses grands yeux bien ronds trahissaient son étonnement mais elle ne semblait pas me craindre, figée elle aussi. À ce moment, je compris que la surprise est la matière de l'amour ou de la peur, au choix de chacun. Je pénétrai dans ses yeux, aussi loin qu'elle m'y autorisait. Et lui sourit. Nous voilà liées par des regards réciproques perçant l'intimité de nos races respectives. Nous nous égarions l'une dans l'autre, sans être effrayées. Nous nous aimions déjà? Du moins, nous acceptions notre différence sans bouger, dans la contemplation pure, la curiosité, la joie et la diplomatie. Nous ne parlions pas le même langage certes, elle ne connaissait pas les mots seulement les sentiments. L'une devant l'autre, l'une dans l'autre, nous nous sentions en sécurité pourtant. Ce sentiment, nous le partagions, l'échangions, nous renforçant dans une identité commune sous un soleil monstrueux. Pendant plusieurs minutes, il n'y eut que nous deux au monde. Que moi et mon ombre. Que l'orignal et son ombre. Que nous deux respectant le silence...
Line Mc Murray