Marc Patin, poète inconnu
Qui aujourd'hui se souvient de Marc Patin ? Je ne savais rien de ce poète extraordinaire, de cet homme parmi ses semblables épris de l'étoile flamboyante de la liberté, telle qu'elle s'inscrit au zénith dans les déchirures de l'orage. Poète de l'amour, "il chante le mystère fraternel de la chair et du sang". Il naquit en 1919, s'est illustré dans le groupe Réverbère 'd'obédience dada) avant de rejoindre; en 1942, le groupe surréaliste La Main à Plume dont il fut l'incarnation poétique Son oeuvre prend sa source dans le quotidien, entre les déchirements du rêve et de la réalité . Pour lui, la poésie doit tout dire pour être utile. Il fraternise avec Éluard qui le considère comme son égal, se fâche et se réconcilie avec André Breton quand la seconde guerre mondiale éclate et que des pans entiers du rêve s'écroulent. Il rejoint le groupe clandestin La Main à Plume.
Marc Patin signe le pamphlet du groupe Vos Gueules! qui fustige les écrivains publiant dans des publications collaborationnistes, tout comme, en 1943, les pamphlets collectifs : Lettre au Follain, Lettre au phoque Fargue (respectivement adressés à Jean Follain et à Léon-Paul Fargue qui ont publié dans l’hebdo vichyssiste L’Appel) et Nom de Dieu ! qui dénonce le « mysticisme catholico-bourgeois » de la revue Messages publié par Jean Lescure."
Déporté STO en juillet A943 (70 h de travail par semaines), il meurt d'épuisement (pneumonie) le 13 mars 1944. De son vivant, il n'aura publié qu'une seule plaquette intitulée "L'Amour n'est pas pour nous" suivi de "La femme Magique" (1942), totalement introuvable de nos jours. Son oeuvre entière représente environ 300 poèmes.
Qu'on me comprenne bien, la solitude qui est la nôtre, cette solitude est concert. cette solitude est rythme, loi immuable de la gravitation humaine : nous y sommes tous soumis et nos cerveaux y roulent et s'y poursuivent; le drame de l'homme, sa misère, ce n'est, pour certains, que de tenter une incomparable évasion, avoir voulu s'écarter de l'orbite agressive assignée comme le DEVOIR, méconnu le langage commun.
&
Le Jeu
Terre disait la plus belle et ses yeux me regardaient
Le matin je n'ai que toi J'ai des yeux qui te voient et des rires autour de
tes rires
Sur la plage le matin un oiseau de nuit blanche
Aiguise entre ses griffes les couteaux de sable
Une volée d'arbres s'abat
Dans la neige d'un miroir
Et je suis nue moi dans ce miroir
Parmi l'herbe de mes jambes et de mes bras
Parmi l'herbe de mes seins
Le soleil se soulève dans mes mains
A l'ouest un coq de sable se défait
Les dix doigts de la rivière déshabillent la rivière
Et derrière la fenêtre et derrière moi
Me voilà
En tout semblable
A tout ce que tu vois.
Marc Patin