Les anges gris

Publié le par la freniere

Les anges gris

À l’occasion du Mois de la poésie qui bat son plein à Québec, le Bureau des affaires poétiques présente, en collaboration avec Le Devoir, le volet «Brèves incursions». Jean-Paul Daoust inaugure cette série qui, chaque semaine, donnera à lire un poème inédit d’un auteur du Québec.

 

Les anges gris créent des rythmes envoûtants
Au bout de leurs ailes guitare

Les flammes de l’enfer swinguent

Dans le rythme de leurs plumes

Sifflent des mélodies tapageuses

Les anges gris installent des sourires

Sur l’asphalte de villes mornes

Comme des églises où ils n’entrent plus

Leur préférant la beauté intrigante de la nuit

De leurs doigts nerveux ils pianotent

Sur un clavier d’étoiles

Les anges gris rockent des ballades au tango

Celui que l’on danse dos à dos

En une chorégraphie nouvelle

Ils offrent des lèvres recourbées

En forme de harpes où se balancent

Des fureurs solides comme des orgues

Ils vivent des aubes alcoolisées

Puis l’après-midi ils se prélassent tels des chats

En se souhaitant un réveil d’un rose démoniaque

Qui imitera les banjos de La Nouvelle-Orléans

Apatrides, leur pays est la musique

On peut les apercevoir jouant et dansant

Comme des soleils dans la pluie

Ils ne craignent pas des lits de hasard

Où ils s’allongent tels des saxophones inouïs

Leur sexe présente la douceur du marbre

Caressé par des sculpteurs curieux

Aux dents d’une blancheur cocaïne

Ils affichent des yeux d’un bleu abyssal

Qui vous fixent comme un fauve

Quand vous les regardez jusqu’au vertige

Ils sont les fleurs de l’ombre

Le futur des miroirs leur appartient

Car ils squattent votre mémoire

Les anges gris ont appris l’harmonie des astres

Chaque note unique tel un flocon

Alors quand il neige il tombe du cristal

Qu’ils savent faire vibrer

Les anges gris jouent dans le métro

Affamés mais glorieux de pouvoir chanter

À même les bruits souterrains de la ville

Les anges gris qui sautent sans parachute

Hors du quotidien insipide

Puissants magiciens ils transforment

Le moment en un enchantement

Que serions-nous sans eux!

Orphée a charmé les divinités infernales

Grâce à sa lyre

Alors que vaut la vie sans la musique

Les barbares l’interdisent

Tant ils craignent la puissance de cette imagination

Qui ose faire étinceler le silence

Comme une toile d’araignée dans la rosée

Je me ferme les yeux pour mieux les écouter

Prêt pour l’appareillage d’un voyage ensorcelé

 

Jean-Paul Daoust


 

Publié dans Poésie du monde

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