Mois de la poésie

Publié le par la freniere

À l’occasion du Mois de la poésie, qui s’achève à Québec, le Bureau des affaires poétiques présente, en collaboration avec «Le Devoir», le volet «Brèves incursions». À la relève aujourd’hui de mettre le point d’orgue à cette série qui aura donné à lire, chaque semaine, un poème inédit d’un auteur québécois.

 

De l’audace il nous en fallait toujours plus
nous n’avions pas fini de défiler
les serpents les loutres s’avançaient quand même
haletants dans les rues la chasse était ouverte
nous ne savions pas quel marchand nous hélerait
ni quoi faire de nos peaux de nos robes
nous ne faisions qu’avancer nous aussi
avec nos membres de bête
nos cris par-devers nos songes
comme des outres scellées
c’était le temps des commencements
mais vers où nous portions-nous
avec nos vies à peine rêvées

*

Sur la ligne qui découpait les murs
et rejoignait l’horizon

on n’avait qu’une seule chance
et quand la saisirait-on
la garderait-on pour plus tard
rouge — notre regard
tout entier dans l’hésitation

ce monde à construire
qu’on ne se décidait pas à élever

à sortir de terre

*

Le cou dans l’angle mort — cunéiforme

un coquillage coupant

nous gardions notre patience bien serrée contre nous

sur la table les chevreuils s’agitaient

à la porte nos harpes suspendues

je raconte parce que personne ne devinera

nous avions rompu le charme nous brûlions

dans les forêts de nos pères

visage du matin

visage mutinerie

notre visage à l’infini sous les doigts des aveugles

palpite encore plus fort


*


Le ciel n’était bouché de rien que nous ne voyions pas
il fallait nous habituer à nos crevasses
quelles seraient les dernières strates à nous recevoir
la lumière le même silence nous étreindraient-ils
ou aurions-nous à subir le craquement des anfractuosités —
rugissement des pierres — pour les siècles des siècles
nous n’étions que des fauves
le sel finirait par nous vaincre
le bout de nos griffes prendrait un temps infini à se dissoudre
mais il disparaîtrait nous redeviendrions poussière
à nous infiltrer au creux des parchemins
à donner matière aux rayons du soleil
et qui percevrait notre doux feulement
où passe la mémoire funéraire


*


Veinules fissures dans la pierre

mantes religieuses béton armé

notre dame du sel

éclairs dans la nuit

chemin de nos pères

 

Isabelle Duval

 

Publié dans Poésie du monde

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