La déliaison maternelle

Publié le par la freniere

Je pense à vous, ma mère, fillette aux cheveux blanchis, à votre erreur hirsute dans le couloir des nuits, votre geste maladroit pour épouvanter les chauves-souris, votre rage à exterminer la vermine qui infecte vos rêves, votre angoisse de ne pas comprendre l'obscure serrurerie de la cave, d'avoir renversé ce vin absurde que n'absorbe plus le sol, d'entendre sans fin marcher derrière vous sans parvenir à
vous retourner
.

 

Je pense à vous, ma mère, à vos veilles de vierge couvant l’enfant qui envisagera le couvent, au mur sans crucifix qui aura révélé cet amour furtif, aux dimanches de vitrail brisé où nous adressions nos prières au silence des éclusiers.

 

Je pense à vous, ma mère, dans cet asile où grimacent les faces d'une fraternité stupide, dans la vertigineuse lenteur de mes gestes maintenant désorientés, dans la ferveur vide de l'horizon où, semence rouge, le soleil ne fécondera plus la flaque des nuages. Je délace la difficile tresse des liens maternels. Ma folie fait défiler les délits du lit commun.

 

Dans ce domicile des délires vous refusez de panser votre fils. Ma tête repose sur les épaules de mon voisin de lit.

 

La boulimie maternelle a tout envahi.

 

Yves Charnet

Publié dans Poésie du monde

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