Un homme de couleurs
À Émile Bellet
L’inapparent prend forme sous le pinceau du peintre. L’image s’enracine dans l’humus des gestes. Des questions pointent sur la toile que la forme résout, que la couleur appelle, ombres puisées à même l’ombre, faisceaux d’éclairs dans la nuit. La terre rêve d’étoiles, le ciel de racines.
Des lignes infinies ordonnent le chaos. Dans l’arbre qu’on dessine, le souffle des racines anime le feuillage. D’infinis tremblements agitent l’horizon. L’axe de vie renoue avec l’origine. Une simple rature absorbe le silence. Les bords du monde se touchent dans un point de lumière. Une poignée de temps se répand sur la toile.
Sous le pinceau du peintre, le monde s’imagine. Il n’est jamais qu’une âme répandant sa couleur. Une lumière intime ordonne ses reflets. Tant de rouges et de bleus redressent l’horizon. En remuant les doigts, un homme de couleurs défriche l’absolu sans ouvrir la bouche. La musique des formes s’écoute avec les yeux.
Jean-Marc La Frenière