Autobiographie en lignes
à tous les jeunes poètes désespérés
Tu naquis à un âge déjà avancé
Alors que d'autres avaient renoncé
Aux joies d'aimer aux mystères de la vie
Tu n'avais pas vingt ans et dans Paris
Tu déliais les labyrinthes des rues
Tu apprenais des mots nouveaux dans les bistrots
Tu dessinais avec des mots
Celui que tu deviendrais sur la face cachée des poèmes
Tu étais pauvre à en mourir
Les montagnes d'or te donnaient envie de vomir
Quand tu était trop triste
Tu t'en allais sur l'île Saint Louis
Pour saluer ton vieil ami aux cheveux verts
Dont les longues ramures trempaient
Dans le courant de la Seine
Ce saule centenaire auquel tu confiais
Tes désillusions et tes amours trompés
De jeune homme en mal de poésie
Tu construisais un pont de pierres ivres
Avec des éclats de lune pâle
Pour traverser le fleuve des larmes
Sous lequel dormaient les âmes en peine
Baudelaire Appolinaire Verlaine Rimbaud
T'envoyaient de longue lettres de flammes sombres
Breton t'attendait dans le square de la Tour Saint Jacques
C'est lui qui te révéla un jour d' éclipse
La conjonction sublime de l'amour et de la révolution
Plus tard après le temps des aveuglements juvéniles
Après la vie après la mort après avoir pénétré dans le cercle magique
Où la parole rend libre celui qui la prononce
La ville enfin t'ouvrit ses portes les plus secrètes
Et plus d'une fois elle te poussa vers ses charniers d'innocents
Comme tu aimais sa population d'ouvriers inspirés
Qui au petit matin recréaient l'histoire de France
En brisant un oeuf dur sur le zinc d' un bistrot
Pour comprendre le monde pour échapper à la misère
Tu volais des livres dans de prestigieuses librairies
Zarathoustra en riant faisait diversion
Maldoror faisait le guet et jamais tu ne t'es fait prendre
Tu vivais comme on dit de l'air du temps et de la grâce des saisons
Ton existence ne faisait que commencer
Et tu n'avais pas encore vingt ans
Mais les auras-tu jamais?
André Chenet, le 4 janvier 2020