Tête à poux
Pendant que le monde s'ébruite
Affûte les guerres
Je me remplis de routes
Pédale
Me gave de paysages.
J'accélère
Pense à tout ce qui peut manquer d'air
La vanité à bout d'orgueil
La pompe du coeur
Certains bonheurs
Sur lesquels on a trop misé.
Je m'essouffle à tout ce qui monte
La colline après le pont
Le taux de sucre de la voisine
La fatigue des gagne-petits
Les voix rauques de la perte.
Je redescends
Dans le poème
En un minuscule chuchotis de mots
Très vite dispersé
Par le dérailleur avant
Et ses dérèglements.
***
Si j'écrivais à cent kilomètres à l'heure
Sans casque
Sans virer à gauche quand les verbes vont à droite
Sans souci d'arriver quelque part
En enjambant les ruisseaux où les enfants au
printemps se noient.
Si j'écrivais sans m'arrêter quand les virgules
surgissent
Sans mesurer l'inclinaison de la Terre
Sans bâtir de cathédrales.
Si seulement je pouvais réussir à m'architecturer
En une falaise
Comme en Angleterre
Bien à l'équerre
Bordée de lignes hachurées
Pour ne pas tomber dans la mer.
Monique Juteau