Jean-Pierre Otte

Publié le par la freniere

Jean-Pierre Otte

Nous qui sommes deux à être seuls
tels les hémisphères d'un même fruit
dont chaque moitié recompose
à part soi l'unité entière.

C'est ensemble et distincts que
nous voyageons de concert,
nous accompagnant en tout, complices,
ayant chacun un abîme bleu dans l'âme.

L'aubaine n'est rien si on n'en prend conscience.
Au déclin de chaque jour, sous le ciel fourmillant
d'étoiles, il nous faut célébrer
le plaisir qu'il y a dans la vie même

confondu au plaisir d'être ensemble,
la jouissance de soi, de l'autre (de cet autre
que nous sommes en même temps pour l'autre),
et de ce nous qui est comme un kaléidoscope

réfléchissant à l'infini la lumière du dehors,
en des fragments mobiles de verres colorés,
des variations incessantes qui sont chaque fois
un achèvement alors que déjà s'amorce autre chose :

c'est de l'image première jamais vue
que découlent toutes les autres.
Ainsi que les nervures d'une de ses feuilles
résument l'arbre tout entier

et que cette pierre avec ses stries et ses angles brisés
schématise la carrière dont on vient de l'extraire,
nous-mêmes, sommes fragments du nombre,
parties du tout et portant le tout en nous-mêmes.

Nous résumons à deux le monde entier et
nous pouvons vivre mille ans ou nous éteindre
telle flammèche au vent d'Est.
Mais, qu'importe, désormais !

C'est le bleu d'octobre sous un ciel en bogue :
nous avons le cœur accordé à la crosse des fougères,
le corps confondu à la chair des fruits mûrs,
et l'esprit allié aux oiseaux de mer

qui s'envolent en emportant leurs ombres.
 

Jean-Pierre Otte

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