Les prolétaires magiques

Publié le par la freniere

Au comptoir de l’aurore les rhums
On les dégommait comme
Les dominos
Garage des Antilles
En face l’huilerie
Compère guilleri
J’étais l’ami des éboueurs
J’étais armateur sans navire
Et je chassais la marées noire
A l’arme blanche
La semaine jusqu’au dimanche
Chantez chantez pour rien
N’importe quoi des ritournelles
Chantez pleurez puisque c’est vivre

Au comptoir des Antilles
Dans le haut quartier des colons
Entre la rive et les Chartrons
J’ai tant et tant posé le coude
Je ne sais de la vie qu’une oiseuse redite
Et remettez-nous ça
On trinque les mains se joignent
Autour d’un verre
C’est le bocal de la prière

Le cantonier se plie en deux
Pour couper les cailloux en quatre
Ses plaies sont lèvres incisives
Pour abolir la sueur salive
Qui gorge les ampoules
Il pisse dans ses mains
Car le cal est l’allié du manche

La dalle de l’usine est souillée de clartés
Du jus du sang d’un arc-en-ciel
Que filtre le carreau
Pour essuyer Sainte Tristesse
L’aura cruelle des rayons
Nos bleus sont maculés
De taches de croyance
Mais retiens l’espérance


En voyant rien qui vienne
A sa tour cathédrale
La vierge vert de gris
Respire sa Gitane
Comme l’air des montagnes
Petit Jésus sent pas la rose
Se dit la nounou du bon dieu
Son lange y est pour quelque chose
Pour le change il faut redescendre
C’est le hic de la transcendance

Il a fallu lui faire un horizon funèbre
A cette vie route et méandre
J’en eus
Aïe les vertèbres au cul
Fièvre de cheval
Et cheval de retour
J’espère le retour de flamme

Un vert couchant enchante
La brique du quartier
Les ouvriers en salopette
Qui secouent comme des clochettes
La gamelle salutaire
Que l’on confie aux prolétaires
Ils ont les yeux fermés à clé

Entrer dans la ville
Espérer la mer
Au bout du brun de la Garonne
Ça sentait l’arachide
Les matins laborieux
De cette rive à l’autre rive

La nuit lunaire sur les docks
Devant des paladins bleus
Les baisers viennent sur sa peau
Fille antille au nu caramel
Dont ont rêvé les matelots
Et par sa fente de cannelle
Goutte à goutte un filet rubis
De Chine

L’anguille est d’elle le lasso
On peut être et être son propre piège
Poisson funèbre le poème
Choisit entre deux flots
Le courant est toujours contraire

Hôtel Saint-François
L’Atlante a perdu sa tête de sable
Et le balcon lui pend au col
Usé jusqu’à rien être
Que l’eau de roche évaporée
Gravée au bec des tourterelles

La plaie qui sourit christement
A mon flanc est trou des idiots
Le creux de l’âme au vague
Malin rictus des goélands
Je t’en foutrai des prolétaires
L’isthme estuaire de l’espoir
Ouvre loin au val Pacifique
Je t’en foutrai des prolétaires.

Jean Camille

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