L'enfant
J’étais l’enfant têtu qui refaisait le monde,
Qui voulait ranimer cette terre moribonde.
J’étais l’enfant chagrin, j’étais l’enfant de l’ombre
Cet enfant qui craignait que la montagne gronde.
J’étais l’enfant sauvage, à l’âme vagabonde
Qui saisissait le ciel en tendant ses deux mains,
L’enfant pêcheur de songes lorsque venait le soir
Qui cherchait vainement à trouver en chemin
Dans un ciel sans étoile et sans lueur d’espoir.
J’étais l’enfant perdu qui vivait au mitan
Du lit d’une rivière ou du lit d’un torrent.
J’étais l’enfant brouillard jouant sur la lagune,
J’étais l’enfant rêveur qui, pour prendre la lune,
Attendait patiemment d’avoir toutes ses dents.
J’étais l’enfant têtu qui refaisait le monde,
Qui voulait ranimer cette terre moribonde.
J’étais l’enfant rêveur qui, prit pour confident
Le reflet de la lune dormant dans la lagune.
J’étais l’enfant rêveur qui, pour croquer la lune,
Attendait patiemment d’avoir toutes ses dents.
Au rivage du temps, alors que le jour tombe,
Je suis le vieil enfant qui veut refaire le monde.
Je me suis aperçu que la terre en cachette,
Gravitait à l’envers et marchait sur la tête.
Je suis à la saison où larmes et sanglots
Lorsque le cœur se fêle, glissent sur le carreau.
Je suis un vieux rocher usé par la tempête,
Un vieux bateau brisé que la mer rejette.
Que de nuits j’ai franchies pour retrouver le jour,
Que de pas inutiles et combien de détours !
J’ai vu des mots haineux qui traînaient sur le sable
Tuant à bout portant les enfants vulnérables.
Vouloir prendre la lune quand on a plus de dents
N’a, pour un vieux rêveur, vraiment rien d’évident.
Au rivage du temps, alors que le jour tombe
Je suis le vieil enfant qui veut refaire le monde
Je suis le vieil enfant qui a pour confident
Le reflet de la lune dormant dans la lagune.
Je suis le vieil enfant qui veut croquer la lune
Mais il se fait bien tard et j’ai perdu mes dents.