Point de vue fraternaliste
Comme la radio et la télé, la poévision nous apporte souvent de mauvaises nouvelles.
On devrait réanimer l’Image, réveiller les sens anesthésiés par le défaitisme omniprésent. Il est temps plus que jamais d’entrer au service des projections libérantes.
Arriverons-nous à sortir des ornières pour aboutir ailleurs que dans un marécage institutionnel ? Aurons-nous le courage de créer des liens et des lieux où la communication puisse croître et enfanter la solidarité ? Pourquoi s’apitoyer sur nos contradictions ? Pourquoi ne pas tenter l’impossible afin de réduire les failles et les fossés ? Quelle est donc cette soif de vide ?
L’espace est devenu pathogène, c’est indéniable. La planète ne se sauvera pas toute seule. Pas à pas, défendre l’intégrité de l’univers; ne pas oublier que l’homme a subi lui aussi l’invasion de sa propre technologie. Ses réserves de tolérance ont des limites. On sait qu’il n’est pas immunisé contre la violence. La rage peut l’agripper autant que les chiens.
La plupart des mots actuels découlent d’une panne de vision. Je ne parle pas de rêvasserie. Je parle du rêve correspondant à son complément réalitaire. Je parle du rêve qui pousse à l’action, du rêve régénérateur. Un certain équilibre entre le jour et la nuit, entre la tête et le cœur, entre le sexe et la pensée, entre la fatigue et le repos. On a remplacé le rêve naturel par du préfabriqué. On a domestiqué l’imagination par l’usage abusif de la publicité. La contre-culture ne me paraît pas avoir réussi à contrer cet état de choses.
La démission n’est pas la solution. Des êtres non robotisés possèdent encore les ressources nécessaires à une réflexion originale sur l’existence. À ces êtres incombe de combattre sans relâche l’incurie des gouvernants, la veulerie des valets, la torpeur des avachis.
Sommes-nous en visite sur terre à titre de cobayes ? Il s’avère fondamental que nous refusions l’abêtissement sous toutes ses formes si nous voulons acquérir la respiration heureuse des peuples libres.
Gilbert Langevin 24 novembre 1974 Écrits de Zéro Legel