Jean-Pierre Metge
Jean- Pierre Metge est né le 23 mai 1949 à Agadir (Maroc). Issu de vieilles familles de paysans et de tisserands de l'Ariège et du Lauragais, fils de soldat, il a souvent voyagé. Enfance et adolescence dans le Lot (Causse de Gramat).
A seize ans normalien à Toulouse où il est l'élève du philosophe esthère Charles-Pierre Bru. Instituteur en Haute-Garonne de Cintegabelle à Toulouse, puis Professeur d'Histoire, il a vécu à Toulouse où il rencontre en 1986 les poètes d'Escalasud, association pour laquelle il rédige un bulletin intérieur: de 1990 à 1994 (206 numéros).
Il crée les éditions A Chemise ouverte en 1994 puis devient membre fondateur du Passe-Mots. En 2000 il lance l'idée de Panorama 2001, 27 Poètes du Midi Toulousain dont il dit: «Ceci n'est pas une revue ou l'émanation d'une quelconque association, c'est l'expression forte et fraternelle d'une action directe faisant fi du carcan administratif et des manipulations d'argent. Cette action veut s'inscrire en toute illégalité dans la vie, la nôtre, la vôtre ... dans votre quotidien ».
Atteint d'une pancréatite, il meurt le 8 octobre 2002 Toulouse.
BIBLIOGRAPHIE
Période grise (Auto-édité,1969) Étincelles vertes (Auto-édité,1988)
La monnaie jaune des brouillards (Auto-édité,1989)
On ne grimpe plus aux silences (Nouvelle Pléiade Éd.,1990) Les brisures du temps (les Cahiers des Libellules Éd~ 1990) De l'herbe au vent (Traces Éd., 1992)
Horizons du Néant (Traces 1992)
Les Chrysanthèmes rouges (Traces Éd., 1992) Lambeaux de bleus (Traces Éd. ,1992)
Les greniers du silence (Résurrection Éd., 1993)
Bleuissement des feuilles mortes et de l'hiver (Clapàs, Éd., 1993) Annuaire Escalasud (Encres Vives Éd., 1993)
Panorama N° 3 en Panorama 2001 -27 poètes midi toulousain- (Responsable J.P. METGE)
Nos seuls soleils sont des lichens (L'Arrière-Pays Ed., 2003)
Toujours exilé malgré moi ; toujours en partance. De mes pays du Sud je connaissais surtout les routes qui épousaient les paysages. Depuis peu sont éventrés les territoires de l’enfance, les virages sont laissés à l’oubli. Routes droites, routes communes, routes rapides : ne plus s’attarder au cœur de deuil des coquelicots.
Il reste heureusement des terres indomptables ; paysages karstiques aux calcaires imprimés de coquillages éternels, Causses où l’on peut errer encore jusqu’à perte de vue d’un muret gris à l’autre, à l’entour des dolines et des genévriers.
Plus au sud, j’habite d’autres paysages. Là, la campagne ne m’appartient plus : propriétés privées. En mes vers je parle prisons. Restent les cieux déjà océaniques mais jamais franchement d’azur.
En ce présent de paysans morts, éloigné du Lot, captif des banlieues toulousaines, je n’ai plus où marcher. Alors, par les mots, j’essaie de recréer mes Suds. Ils ont pour eux, mes Suds, la saute d’humeur de leurs vents, leurs nuages, leurs sécheresses, leurs noms de lieux qui rappellent la langue ancienne. Ils ne se veulent pas universels si l’universel c’est l’uniformité fade : ils se veulent uniques, riches de leur diversité pour demeurer universels.
Par mes poèmes je suis de leurs luttes déjà perdues d’avance, de leur mélancolie et si, comme eux, je suis triste au quotidien, nous avons au moins l’assurance d’être et pour cela, peut-être, d’être aimés.
Je me laissais glisser vers l'hiver
tout me semblait facile
je n'étais qu'un mendiant
dessous les porches verts
jamais tu n'aurais dû t'asseoir si près de moi
Je sais bien tu as froid
je le savais déjà
à regarder tes yeux
à deviner ta vie
que tu le veuilles ou non
que je le veuille ou non
tu danses dans mes nuits
mes jours deviennent nuits
pour rêver plus longtemps
et je nage éveillé dans ton visage-pluie
Je ne dirai plus rien
et pas même ton nom
mais ne vas pas trop loin
surtout ne dis pas non
et reste donc pour moi
comme un printemps fragile
Sur ta poitrine douce
des saisons impossibles
jamais sur ton épaule ne s'useront mes lèvres
jamais je ne prendrai
ton regard dans mes mains
Une feuille de neige cicatrise ton ventre
je déchire les jours pour t'en faire un manteau
Dans la carafe d’ eau
un bouquet de fenêtres
l'aube passe sa serpillière grise
sur les derniers feux de la nuit
et ce transfert d'humidités sales
du sol au cloaque des cieux
s'apaise
et m’écœure à la fois
Lit de cendres
de douleurs d'abandons
images griffonnées
pour la seule mémoire
Voyageur du silence
je joue avec les mots
novembre
est cette pluie
qui danse dans ma tête
au rouge de tes lèvres
l'air donne un baiser froid
aux dernières couleurs
Boîtier des heures grises
lunes d'acier sur les eaux mortes
des milliers d'étoiles blafardes dansent
en cadence dentelée la vanité d'Éternité
une valse d'indifférence
une valse d'heures glacées
une valse sans un baiser
Derrière ses grilles de pluies
gardien rouge des saisons
septembre est revenu
rouiller les fleurs
aux murs de mes maisons
Sur les eaux glauques des étangs
sur le cadran des sécheresses
roseaux brisés aiguilles noires
dessinent l'heure des départs.
Si les verres sont des soleils
On a bien bu trente soleils
Qui donnent aux lèvres un goût d'avril
On a parlé de tous ces riens
Qui font que les jours sont si longs
De trois minutes ou de trente heures
On a parlé pendant des heures
On a parlé de nos jardins
Du sulfate et des murs bleuis
Des feuilles sombres du pommier
On a parlé d'arbres fruitiers
Qui donnent à mai un goût de lèvres...
Jean-Pierre Metge