Anthony Phelps

Publié le par la freniere

Anthony Phelps, poète, romancier et diseur, est né à Port-au-Prince, Haïti, le 25 août 1928. Après des études de chimie et de céramique aux États-Unis et au Canada, il se consacre surtout à la littérature.

En 1961 il fonde – avec les poètes Davertige, Serge Legagneur, Roland Morisseau, René Philoctète et Auguste Thénor – le groupe Haïti Littéraire et la revue Semences. Il met sur pied et anime la troupe de comédiens, Prisme, et réalise des émissions hebdomadaires de poésie et de théâtre à Radio Cacique, dont il est cofondateur.

Il publie trois recueils de poèmes, et collabore à divers journaux et revues.

Après un séjour dans les prisons du docteur-dictateur-à-vie, Anthony Phelps est contraint de s'exiler.

Établi à Montréal en mai 1964, il y fait du théâtre – scène, radio et télé – puis du journalisme. Il participe à la narration de plusieurs films.

Il réalise et produit une dizaine de disques de poésie de poètes haïtiens et québécois.

Plusieurs fois boursier du Conseil des Arts du Canada (bourse de création libre), il a obtenu, deux fois, le Prix de Poésie Casa de las Américas, Cuba.

Le 2 février 2001, Anthony Phelps reçoit du Ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration (du gouvernement du Québec) une plaque en hommage, à l'occasion du forum « Encre noire, littérature et communautés noires ».

Son œuvre, soit une vingtaine de titres, est traduite en espagnol, anglais, russe, ukrainien, allemand, italien, japonais et certains de ses livres figurent au programme des études françaises de plusieurs universités des États-Unis dont : Princeton, Saint Michael's College (Vermont) et Iowa State University.

En 1985, après vingt ans de service à la Salle des nouvelles TV de Radio Canada, il prends une retraite anticipée pour se consacrer entièrement à l'écriture.


pour écouter: real.webnext.com/ramgen/ileenile/audio/phelps_monpays02.rm

Bibliographie:
Poésie:

Été. Couverture et illustrations de Grace Phelps en collaboration avec l'auteur. Port-au-Prince: Impr. N. A. Théodore (Collection "Samba"), 1960.

Présence; poème. Illustrations de Luckner Lazard. Port-au-Prince: Haïti-Littéraire,1961.

Éclats de silence. Port-au-Prince: Art Graphique Presse (Collection Haïti-Littéraire), 1962.

Points cardinaux. Montréal: Holt, Rinehart et Winston, 1966.

Mon pays que voici. Suivi de: les Dits du fou-aux-cailloux. Honfleur: P.J. Oswald, 1968. Mon pays que voici (nouvelle édition : introduction de l'auteur, album photos et annexe). Montréal: Mémoire d'encrier, 2007.

Motifs pour le temps saisonnier. Paris: P. J. Oswald, 1976.

La Bélière caraïbe. La Habana, Cuba: Casa de las Américas, 1980; Montréal: Nouvelle Optique, 1980.

Même le soleil est nu. Montréal: Nouvelle Optique, 1983.

Orchidée nègre. Montréal: Triptyque, 1987.

Les doubles quatrains mauves. Port-au-Prince: Éditions Mémoire, 1995.

Immobile Voyageuse de Picas et autres silences. Montréal: CIDIHCA, 2000.

Femme Amérique. Trois-Rivières / Marseille: Écrits des Forges / Autres Temps, 2004.

Une phrase lente de violoncelle. Montréal: Éditions du Noroît, 2005.

Romans:

Moins l'infini, roman haïtien. Paris: Les Éditeurs Français Réunis, 1973; Montréal: CIDIHCA, 2001.

Mémoire en colin-maillard. Montréal: Éditions Nouvelle Optique, 1976; Montréal: CIDIHCA, 2001.

Haïti ! Haïti ! (avec Gary Klang). Montréal: Libre Expression, 1985.

La Contrainte de l'inachevé. Montréal: Leméac: 2006 ; La Roque d'Anthéron (France): Vents d'Ailleurs (à paraître).

Théâtre:

Le conditionnel. Montréal: Holt, Reinhart et Winston, 1968.

Une quinzaine de pièces radiophoniques. Radio Cacique, Haïti, 1961-64.

Contes pour enfants:

Et moi, je suis une île. ("Moly, le petit poisson rouge"; "La poupée à la chevelure de soleil"; "Et moi, je suis une île"; "La roue vagabonde.") Montréal: Leméac (Collection Francophonie vivante), 1973.

Autres publications:

Paul Laraque, vingt ans sous les drapeaux entre Marx et Breton. (Entretiens) Montréal: Productions Caliban, 2004.

Image et verbe. (Trente collages de Irène Chiasson, accompagnés de poèmes de François Piazza, Anthony Phelps, Yves Leclerc, Raymond Charland. Préface de Robert Klein.). Longueil: Image et verbe éditions, 1966.

D'une lettre à l'autre. Abécédaire. Poèmes et illustrations de 28 poètes et 28 peintres. Trois-Rivières: Presse Papier et Écrits des Forges, 2005.

Joutes internationales Pixel. Coffret de poèmes et dessins réalisés par 10 poètes et 10 peintres lors du Festival international de poésie de Trois Rivières 2003. Trois Rivières: Presse Papier, 2005.

Discographie:

Réalisation et interprétation sous étiquettes: Les Disques Coumbite et Les Productions Caliban

Mon Pays que voici, poème d'Anthony Phelps dit par l'auteur. Montréal, 1966; disque CD 2000, 2005.

Les araignées du soir, poème d'Anthony Phelps dit par l'auteur. Montréal, 1967.

Terre-Québec. Poèmes de Paul Chamberland. Montréal, 1968.

Pierrot le Noir. Poèmes de Jean-Richard Laforest, Émile Ollivier, Anthony Phelps. Avec des chansons de transition de Toto Bissainthe. Montréal, 1968; disque CD 2005.

Motifs pour le temps saisonnier. Textes d'Anthony Phelps. Montréal, 1975.

Raymond Chassagne dit par Anthony Phelps. Musique de transition: Claude Dauphin. Montréal, 1975.

Anthony Phelps. Poésie/Poesia. Palabra de esta América. La Havane: Casa de las Américas, 1979.

Poètes d'Haïti. Raymond Chassagne & René Philoctète. Montréal, 1982.

Quatre Poètes d'Haïti: Davertige, Legagneur, Morisseau, Phelps. Montréal, 1982.

Orchidée nègre. Textes d'Anthony Phelps. (Cassette) Montréal, 1992.

Paroles vives. Textes de Georges Castera. (Cassette) Montréal, 1993.

Les beaux poèmes d'amour d'Haïti-littéraire dits par Anthony Phelps (Davertige, Legagneur, Morisseau, Philoctète, Phelps). CD. Pétion-Ville, Haïti, 1997.

La poésie contemporaine d'Haïti. Trente-quatre poètes. CD. Pétion-Ville, Haïti, 1998.

Incantatoire, poèmes de Raymond Chassagne dits par Anthony Phelps et Boris Chassagne. Musique d'Oswald Durand. Montréal, 2003.

Films et vidéos:

Aube noire. film, 20 min. Montréal: InformAction, 1980.

Planète créole. Vidéo, 30 minutes. (Série 1366 N° 004) Montréal: Radio Québec, 1980.

Planète créole. Vidéo, 30 minutes. (Série 1366. N° 006) Montréal: Radio Québec, 1980.

Et négriers d'eux-mêmes. Film, 57 minutes. Montréal: Productions Pierre Nadeau, 1981.

Mercenaires en quête d'auteurs. Film. 87 minutes. Montréal: Productions InformAction, 1981.

Zone de turbulence. Film, 80 minutes. Montréal: Productions InformAction, 1985.

Spécial Anthony Phelps. Vidéo, 60 minutes. Télé nationale d'Haïti. Septembre 1986.

Les îles ont une âme. Film, 29 minutes Montréal: Productions InformAction, 1988.

L'homme qui plantait des arbres. Film d'animation de Frédéric Bach. 29 minutes. Productions ONF/Radio Canada. Version créole: Montréal: InformAction, 1990.

 
 

Ne révèle pas nos mots de passe

(À Claudia, merveilleuse guide)

Je suis Venise blanche Venise.
Ô blonde oblongue femme
chroniqueuse de silhouettes
en trompe l'œil et attrapes.
Aucun dit mensonger
ne transmutera mes ors
en cuivre
algue ou calcaire.

Tu circules innocente et cendrée
dans mes blanches ruelles
ravives de tes lèvres
rotules et crânes
tessons prisons
de très ancienne barbarie.
Ta main gantée recueille flocons
et dessine sur mes pierres des noms de lieux.

Garde-toi bien de révéler nos mots de passe.
Ne traduis point pour étrangères oreilles
les soupirs de mes ponts.
Brouille les traces de tes pas
bien que la neige bavarde ne garde aucun secret.

Femme blonde
détentrice du mystère des asphodèles
la parole de l'aîné caraïbe
se refait gamme nouvelle.
Se mêlera-t-elle
aux dits de mes nombreux poètes ?
Portera-t-elle plus loin le couchant de l'Histoire ?

Quand tu t'avances consciente de ton rythme
et le berçant de la mathématique
du professeur critique
quand tu procèdes sur ma mémoire
et la lissant de ton talon
les regards s'illuminent sous le pont des voyeurs.

Femme blonde
guide de mes beautés
sous la boiterie de mon hiver
si tu es corde non pour te pendre
je suis archet pour te jouer.

Et chaque fois
que l'affection coule ses notes
dans la rousseur de Vivaldi
je t'inscris dans le silence
où ma musique refait sa pause.
Venise suis-je.
Blanche de neige.
Blanche tu es sous ton blond vénitien.

 
Mon pays que voici

Je continue ô mon Pays ma lente marche de Poète
à travers les forêts de ta nuit
et le reflet de la Polaire
parmi l'essence et la sève
dénombrant sous l'écorce les cercles de l'aubier
Entre la liane des racines
tout un peuple affligé de silence
se déplace dans l'argileux mutisme des abîmes
et s'inscrivant dans les rétines
le mouvement ouateux a remplacé le verbe
La vie partout est en veilleuse

Le ciel s'est oxydé l'amour passé au laminoir
Il a poussé des champignons sur les étoiles
et la nuit sent le renfermé
Et nos doigts sont tranchants comme des lames
coupant le geste au ras de l'épiderme

En nous : nos veines au sang tourné
Sur nous : le cataplasme de la peur
et sa tiédeur gluante
et notre peau fanée doublée de crainte
comme un habit trop ample
bâille sur des vestiges d'homme

Semaine sans dimanche
Le maïs : sec comme la pierre
Le pain : tout en croûtons qui blessent
Les maisons closes les rues les places
livrées au vent
Et les fidèles de la résignation
agenouillés dans les églises

La vie partout est en veilleuse
La vie vécue à la campagne
La vie vécue à la grand'ville
La vie au bord des tables
Le long des sources
La vie vécue à l'ombre des églises
La vie vécue à l'ombre des houmforts
dans le mystère et la fumée des rites
La vie dans les chaumières
la vie dans les villas
la vie entre les draps
ou sur la paille humide
la vie vivante
la vie présente
partout la même
la vie partout est en veilleuse

Ô mon Pays si triste est la saison
qu'il est venu le temps de se parler par signes
Le langage des yeux s'enrichit chaque jour
un geste de la main dit plus long qu'un discours
et pour rêver ma vie au tranchant du sommeil
à la doublure de ma taie
j'aurais cousu mes épisodes les plus beaux
mais l'amour même est triste
les escarres de la souffrance écailleraient le rêve

Immobile comme un pieu enfoncé dans le sable
je porte en moi la densité de la nuit
et les insectes font l'amour sur mes mains inutiles

Ah!... quand éclatera le bourgeon sous le poids de
l'abeille
Je veux entendre le sang de ma Terre
marcher dans les caféiers aux fleurs blanches
Je veux entendre geindre le vent blessé dans les cannaies
coupantes sont les feuilles de la canne à sucre
Quand donc viendra cette heure
où nous irons amorcer le soleil
où le baiser justifiera nos lèvres

Ô mon Pays si triste est la saison
qu'il est venu le temps de se parler par signe

Anthony Phelps

Publié dans Les marcheurs de rêve

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