Benoit Conort
Né en 1956. Ancien élève de l'Ecole nationale supérieure de Saint-Cloud, Benoit Conort a enseigné au Sri Lanka, en Pologne et au Portugal de 1981 à 1992. Il a également voyagé dans de nombreux pays, en Inde, au Népal, en Thaïlande, au Japon et aux Etats-Unis. Il a soutenu une thèse de doctorat sur la mort dans l'oeuvre poétique de Pierre Jean Jouve. Maître de conférences à l'Université de Paris X-Nanterre, il travaille sur l'écriture de la mort dans la poésie française du XXe siècle. Il est membre du comité de rédaction de la revue Le nouveau Recueil et collabore à de nombreuses revues.
Il anime des ateliers d'écriture en collèges et lycées et participe à la formation des enseignants du secondaire à la poésie française contemporaine, à l'Académie de Versailles. Il a fondé avec Patrick Souchon le Carrefour des Ecritures, association visant à promouvoir la pratique des ateliers d'écriture dans l'enseignement et en bibliothèque. Il a été membre de la commission poésie du CNL de 1996 à 1999.
Aux Editions Champ Vallon:
Main de nuit 1998 , prix Mallarmé
Cette vie est la nôtre 2001, prix de l’Académie Mallarmé
Aux Editions Gallimard, collection “ le chemin”
Pour une île à venir 1998, prix Fénéon ; prix F. Jammes
Au-delà des cercles, 1992, prix Tzara
Il se souvient de la petite soeur partie pour l'hôpital une ambulance devant la porte le berceau vide
Rester allongé ne plus bouger attendre attendre encore un seul geste pouvait briser le bleu d'azur et porcelaine
Il n'avait pas compris ne comprend toujours pas
"Elle s'est absentée sous la pierre nue du petit cimetière"
Dans la cour des cris d'enfant séchaient sur des linges trop blancs
Le rêve se poursuit le songe est à la traîne et tire le bras endolori
Il voudrait bien poser la tête sur le bord du chemin ne plus porter sa voix comme on vit au désert il voudrait s'endormir
Il voudrait tant tant de choses qu'il ne peut nommer
Tant de choses interdites au langage innocent
Il voudrait bien renaître se laver de son corps faire rouler la pierre
Il voudrait bien lever le bras avant de disparaître
Mais l'effort est trop grand et sa fatigue immense tournoie sur le ciel vide
c’est toujours les enfants qui tombent dans les piscines
les rivières celui-là
tout habillé tout ligoté il est tombé bien sûr on a dû le
le diable pour savoir qui ça bataille ferme dans les media
tout le monde participe au match on ouvre les paris
depuis longtemps oublié
le petit corps ruisselant d’eau rigide quand on l’a sorti
on l’a oublié depuis longtemps oublié l’intéressant c’est
les vivants le papier qu’on peut gratter
les enfants c’est pas grave on peut en faire
à la douzaine il suffit d’arrêter la pilule où calcule spon-
le moment le plus favorable ça vient tout seul l’amour
ça se débite naturellement c’est une denrée
avant on disait de la chair à canon mais de nos jours dans
nos contrées les canons c’est juste pour les défilés
dans nos contrées les canons on se juche dessus les soirs
de grande victoire dans les grands stades les canons ils
sont ailleurs
ils tirent ailleurs les canons dans des pays où de toute façon
les enfants s’ils meurent c’est d’autre chose c’était déjà avant
dans des pays où les enfants c’est pas grave ils en font
tant ils ne font que ça
les enfants à la pelle ils les font et c’est à la pelle qu’ils les
plus tard c’est à la pelle qu’ils creusent
fosses communes en lieux communs si communs ils
tombent ensemble
de machettes en bombes ils tombent c’est beau un
enfant qui tombe
en tombeau commun on y pense puis on oublie
un peu de terre sur si petites chairs un peu de terre il
suffit de si peu pour recouvrir ces corps si peu pour
un jour une main
toute petite de la terre
a dépassé une main s’est tendue s’est repliée une main a
pleuré toutes les larmes de son corps une main a replié
ses doigts une main est devenue poing une main a
pleuré sans larme ni sang une main a gémi
frères humains qui après nous vivez le croirez-vous
tous ces mouvements de pelle ils ne résonnent pas sur les
chairs dévorées
frères humains ne nous pardonnez pas
nous n’avons nulle excuse qui après nous vivez
même si le remords c’est toujours la femme tondue et le
vain cœur et c’est l’enfant tombé
sur le chemin de jungle c’est l’enfant mutilé au creux
d’une vallée de mosquées en églises de temples en syna-
gogues c’est l’enfance violée
dans les bras du vieil art on l’appelle la guerre