L'herbe au pied des arbres (Bretagne)

Publié le par la freniere

Il vaudrait mieux
Ne pas être né dans une ferme
Ne pas avoir grandi
Au milieu des poules et des cochons
Si tu veux écrire
Il vaudrait mieux
Ne pas être animal politique
Ne pas être anti-atomique
Ne pas avoir pour père
Un paysan de culture
Bretonnisante
Ne pas avoir pour mère
Une féministe nature
Ne pas avoir pour famille
Deux frangins
Et des proches qui te sont chers
Ni pour famille planète
Le sentiment d’être comme frère

Si tu livres en plus
De la vie
Ne cherche pas de livre
Pour la recueillir

Il vaudrait mieux
Etre atomisé
Ne pas avoir pour pays
Une contrée trop belle
Ni trop vivante
Ni trop particulière
Ni trop fière
Il vaudrait mieux
- si tu veux écrire
Ne pas être de Bretagne
Ni même de France – si ça continue
Mais n'être nulle part

Ne pas avoir pour langue
Une langue tordue de douleur
Une langue vivante
Il vaudrait mieux
Ne pas avoir de racine
Ni de sève

Avoir, l’argent
Cuillère en or dans la bouche
Avec le matériel
L'air du temps à consommer
Sans gêne
Sans souffle dans les cuivres

Ne pas avoir de matière
Ne pas être attaché à quelqu’un
N’aimer personne
Ne pas avoir de lien
Ne rien vouloir dire
Si tu veux écrire
Puisqu’écrire c’est devenu
Du vent sur le papier
Dans les journaux
Vendus au nom
De non-dits


Si malgré tout tu résistes
Tu veux écrire
Tu persistes dans les signes
Malgré tes pieds dans la glaise
Et ta tête en l’air

Malgré tes mots
Sans papier glacé
Ni reliure
Ni couverture
Pour les accueillir
Sans passer en revue
Tous tes mots non lus

Malgré toutes les anomalies de la nature
D’aujourd’hui

Ecrivain en herbe
Sur tes pauvres feuilles
C’est que – même quand tu sembles léger
Tu restes un arbre

Issu du grand arbre généalogique
D'une histoire

...

Ne te plains pas trop
D’être isolé

Tu n’es pas très haut
Mais aux beaux jours revenus du noir
Tandis les temps des cerises
Reprennent des couleurs
Trouvant espoir
Dans le coeur de l'hiver
Malgré le froid
Avec le charbon de bois

Revenus de la nuit
Réunis
Nous battrons le fer
A nouveau
Nous respirerons ensemble
Au poumon de la terre

Nous retrouverons le chemin
De la forêt

Nous irons cueillir les fruits
A la peau tendre
A la chair rouge

Les enfants viendront faire leurs cabanes
En poussant des cris et des rires
En compagnie d'oiseaux migrateurs
Nichés dans les branches

Chantant la musique familière
Du lointain
Nous nous sentirons pousser des ailes
Une autre fois...


Pour le moment
Fais comme tu peux
Plie toi mais
Je te supplie...

Ne romps pas

Nicolas Kelig

kelig.canalblog.com/


Publié dans Poésie du monde

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Merci pour ce lien !  Je vais m'y aller promener...