Tu ne dormiras pas (Québec)

Publié le par la freniere

Le matin resserre un châle de prière autour de tes épaules et tu lèves la tête pour remercier le ciel de son aumône de lumière à ta flamme mouchée. Les chants serrés dans ta gorge, les mélopées endormies sous la dalle froide de ton coeur résonnent parfois sur la route qui ne te reconnaît pas. Tu as scellé tes plaintes avec les souvenirs et tu te dis le temps en fera de la poussière. Chaque jour, tu fais ce qu'il faut pour ceux que tu aimes et tu chasses les abois de ta voix. Personne ne verra les cendres qui étouffent ta peau. Tu attends l'asile d'un regard habité pour desserrer le garrot du silence, tu attends la coupe pleine d'une parole vraie, l'étincelle qui rallumerait la tienne mais tu regardes les gens de derrière tes cils et leurs silhouettes de verre opaque te semblent inaccessibles.

Tu parles de toi comme si tu étais une autre et tu te moques des verrous qui te sauvent la vie, tu te moques de la vie que tu voulais sauver des verrous. Mais quand tu ris, c'est encore elle. Je sais, je sais, tu vas le sabre au ventre avec ce qu'il te reste de forces. Je sais, je sais, c'est ça ou laisser couler tout ce sang d'amertume. Je sais, je sais, c'est ça ou brandir le métal - et tu ne céderas pas.

Regarde, c'est l'automne déjà. Un à un les arbres s'allument pour la longue veillée et toi, tu ne dormiras pas.

Laila Cherrat

Publié dans Poésie du monde

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