Je me repose (Québec)

Publié le par la freniere

Couché sur le dos dans la toundra 
Après tant de blessures 
Des coups aux tibias 
Des bas coups dans le ventre 
Le plexus transfixié 
L’âme en charpie dégainée à vif   
Je me repose 
  
Le cœur à l’affût Malgré tant d’amours écorcées Malgré ma tête encore éclaboussée 
Par les néons et l’asphalte J’aperçois dix outardes grimpant vers le sud En quête de cieux plus ravagés peut-être 
Cent caribous passent devant moi 
Leur maigre désarroi soudain je le sens 
Quel immense loup blanc sauvage immense loup blanc 
Le croc encore dégoulinant 
Attend derrière la colline là-bas 
  
Que d’odeurs! Que d’odeurs! Camarines et genévriers entremêlés au thé du Nord 
Je respire à fond 
Avant le plein hiver fonçant sur moi 
Car bientôt je repartirai 
Migrateur 
Le sac sur l’épaule Un cœur neuf autour du cou Dépliant mes ailes de sarcelle Faisant siffler mon vol 
Les mains encore capables d’accomplir Deux ou trois mouvements tendres 
  
Mais pour l’instant je me repose   
Offrant du regard loin sur le rapide 
Ma plus belle mouche pourpre la plus belle 
Encore un pas un autre pas 
Dix pas cent pas mille pas d’assoiffé Encore une ou deux journées de joie 
L’âme aux aguets face au dernier blizzard Celui de ma vie la plus solennelle 
Je le sens venir de si loin 
De plus loin que le lieu du loup 
Il est là le blizzard au sourire blanc 
Le cœur en paix d’avoir attendu Le déchiquetage du plus chétif des caribous   
TUKTU MON AMOUR TUKTU-CARIBOU 
  
Allons-nous bondir une fois dernière
Irons-nous plus vite peut-être
Que la course de la Grande Ombre 
Porteuse d’une telle désespérance   
Toundra! Toundra! 
De nos plus fous espoirs fous espoirs fous espoirs

                    Jean Désy

Publié dans Poésie du monde

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