Couché sur le dos dans la toundra Après tant de blessures Des coups aux tibias Des bas coups dans le ventre Le plexus transfixié L’âme en charpie dégainée à vif Je me repose Le cœur à l’affût Malgré tant d’amours écorcées Malgré ma tête encore éclaboussée Par les néons et l’asphalte J’aperçois dix outardes grimpant vers le sud En quête de cieux plus ravagés peut-être Cent caribous passent devant moi Leur maigre désarroi soudain je le sens Quel immense loup blanc sauvage immense loup blanc Le croc encore dégoulinant Attend derrière la colline là-bas Que d’odeurs! Que d’odeurs! Camarines et genévriers entremêlés au thé du Nord Je respire à fond Avant le plein hiver fonçant sur moi Car bientôt je repartirai Migrateur Le sac sur l’épaule Un cœur neuf autour du cou Dépliant mes ailes de sarcelle Faisant siffler mon vol Les mains encore capables d’accomplir Deux ou trois mouvements tendres Mais pour l’instant je me repose Offrant du regard loin sur le rapide Ma plus belle mouche pourpre la plus belle Encore un pas un autre pas Dix pas cent pas mille pas d’assoiffé Encore une ou deux journées de joie L’âme aux aguets face au dernier blizzard Celui de ma vie la plus solennelle Je le sens venir de si loin De plus loin que le lieu du loup Il est là le blizzard au sourire blanc Le cœur en paix d’avoir attendu Le déchiquetage du plus chétif des caribous TUKTU MON AMOUR TUKTU-CARIBOU Allons-nous bondir une fois dernière Irons-nous plus vite peut-être Que la course de la Grande Ombre Porteuse d’une telle désespérance Toundra! Toundra! De nos plus fous espoirs fous espoirs fous espoirs |