L'essence du langage (Chine)

Publié le par la freniere

            Presque tout ce qui est en paix ne rend aucun son. Plantes ni arbres n’ont de voix, mais que les agite le vent, ils frémissent. L’eau n’a pas de voix, mais si le vent la froisse, elle rend un son, si on la frappe elle retentit, si on la contient elle gronde, si on la fait bouillir, elle chante. Métal et pierre n’ont pas de voix, mais qu’on les frappe, ils résonnent. Ainsi des hommes : ils ne parlent que si on les force. S’ils désirent quelque chose, ils chantent. S’ils sont tristes, ils pleurent. Les sons franchissent leurs lèvres quand ils ont perdu la paix.

            La musique exprime ce qui a été longtemps contenu, et choisit pour retentir les matières les plus sonores. Métal, pierre, cordes, bambous, calebasses, terre cuite, cuir et bois, tout cela rend un son. Il en est de même avec les saisons de l’année : chacune choisit les choses les plus sonores pour faire entendre sa note. Les oiseaux bavardent au printemps, le tonnerre gronde en été, les grillons strident à l’automne, et le vent hurle pendant l’hiver, car tant que sont en marche les saisons, il n’y a pas de paix.

            Les hommes aussi cherchent ce qui les fera le mieux résonner. Le langage est l’essence de la parole, la littérature est l’essence du langage.

Han Yu 768-824

Publié dans Poésie du monde

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