Dédicace (Haiti)

Publié le par la freniere

                   
                    à Paulette
                            «Poème, élan calme au-dessus du néant.»
                                    (Georges-Emmanuel Clancier)

lèvres bénies dans la folie de l'amour des hommes et de toutes les femmes soutenues du seuil de la maison / des soutes nécessaires à la poussière inaccessible des morts     qui ne mangent plus qui ne parlent plus de la grâce comme de la solitude des vivants livrés à l'inadmissible création

jugés par le silence des étoiles et de la voûte sentinelle en vain de nos bras pleins de cœurs et de ces larmes faciles

ne sais-je que les amis d'aujourd'hui ne chantent que dans l'espoir des attentes anonymes     les amis d'hier ne jouaient que le jeu de la séduction et de l'amitié solennelle

ne serait-ce que l'aventure / mes grands tourments aux yeux des hommes du mât des femmes qui ne caressent plus     qui ont perdu les gestes nécessaires à la folie de tout homme debout sur terre mais dépouillé dans son ultime frisson

mais dis-moi la nuit des accolades et des syllables / hautes colonnes d'étoiles et de villes endormies dans la captivité de nouvelles femmes débonnaires qui ne chantent plus l'intimité des plages et l'au-delà des brouillards en folie

tu fus cette femme divinatoire des destins abolis     celle de l'extraordinaire voyance au-delà des chants inconnus celle qui repoussait les fantômes et les mots comme des blessures

tu aimais me citer Rimbaud et ses caravanes de songes
Alain Grandbois dans toutes ses majestés d'eau forte
Paul-Marie Lapointe que les dieux ont choisi aux premières heures
de la ville et de la liberté des mots

et maintenant que je suis veuf de ton amitié     de tes échelles de gestes lourds comme ton île / comme la Grèce que tu portais dans le coeur Ô Athéna de mes jours comptés en lambeaux de rêves

là oü tu es plus belle     que ton arc-en-ciel     près d'Athéna et toute sa Cour d'anges évanouis dans les nuages     là où tu vis maintenant     plus près des trônes et des dieux improbables si loin des enfants négligés des colonnes de sable et d'infidèles

de si loin que nulle n'ait jamais franchi dans mon enfance réformée et dans mon adolescence repliée sur les mots et le poème écrit dans une langue belle d'étrangère
de si lointain où tu surgis au temps de mes douleurs prolongées à l'ensorcellement de ma naissance étalée dans la solitude des dieux

sept dieux penchés sur mes épaules et sur mes doutes
recherchant ma veritable identité
mon destin
et mon étoile déjà épuisée par la honte
des hommes


Saint-John Kauss
Habitation des Carriers,
Montréal, janvier 2005

 

Publié dans Poésie du monde

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