Eugène Guillevic

Qui n'a couru le guillevic entre deux méridiens ?
Bien dans ses gênes, Eugène !
À Toronto, torse nu dans sa chambre; au Balaton «j'ai du bon tabac».., à Struga, à Massa, à Helsinki...
Plus secret qu'il n'en a l'air
(économiste, germaniste, communiste).
Entendez son inspiration, cette sorte d'asthme
Ce timbre plus fragile, plus précieux qu'on croirait...
(Il suffit d'une pierre
Pour y penser -
...
Les forêts le soir font du bruit
en mangeant
...
Les mot,
C'est pour savoir
...
Et ne plus rien savoir
Que la tendresse.)
Je le vois suspendu par son collier à ce point du jour,
«archimédien», d'où le poème, utopique, redistribue
le proche et l'éloigné ( on dit «rapprocher», citer à
comparaître, «comparer»...), se procure les symboles
de tout (ce) qu'il faut pour faire un monde...
(Nous construisons le monde
Qui nous le rendra bien
Car nous sommes au monde
Et le monde est à nous.)
...bout de poutre gothique, fourneau de pipe
du village, lutin de colloque, émetteur de
quantas poétiques à chaque pause,
(Le temps qui peut changer
Le nuage en nuage
Et le roc en rocaille...)
Coupeur de lumière en quatre, quadrateur
de rond en quatrains.
(La vitre vers le froid
Tremblait pour la beauté
Que le givre ferait sur elle
Avant l'aurore...)
Comment être un poète en la société ? - qui le tolère
Trop bien et en supporte mal l'état. À cette place jadis
Du fol, funambule de vérités murmurées, comment se
Tenir, sinon à la faveur de déguisements de farfadet,
en ce manque d'état, en ce déséquilibre rattrapé sur
les lignes du vers, rattrapé aux cheveux par le regard
circonspet.
(Gardien d'on ne sait quoi
De nocturne et du sang
Contre l'humain.)
(Il s'est dit surtout
Je suis cet engrais
Qu'il faut pour après.)
Michel Deguy