Aimer ou la transmutation (France)
Moi et ma tristesse
nous nous orientons
à la blancheur de tes hanches
à la flamme dorée de ton pelvis
moi et ma tristesse
nous revendiquons ton amour
sur tous les fronts du désir
et nous exultons à chaque mort
à chaque cri du ciel et de l'enfer
moi et ma tristesse
avons assez de larmes
pour remplir le bassin de calcaire
où les naïades attendaient jadis
les baisers de la lumière
comme des fleurs de nénuphar avant l'aube
tristes à en mourir d'oubli
inassouvies sur les berges du temps
moi et ma tristesse
nous nous partageons tes seins
ces doux anneaux d'un soleil naissant
brûlant les pupilles émerveillées
des amants qui ne dorment presque plus
enivrés d'amour de sang et de sentiments
risquant leur raison
à la pointe des couteaux du cœur
moi et ma tristesse
nous vivons d'un deuil amer
au fond d'une fosse
où se dépose tout le sel
des souffrances humaines
moi et ma tristesse
nous sommes seuls et nus
devant toi la féroce la véloce
toi la mariée célibataire mise à l'épreuve
de noces effroyablement jouissives
toi la pulpe de mon poème d'amour
prunelle sensuelle de la nuit verticale
toi ma source vagabonde ma liberté soudaine
toi mon échappée belle
vers les territoires de la voyance
ma dernière gorgée de saveurs
avant la lie violette de la mort
toi ma cendre où grésille
la braise cachée des renouveaux
moi et ma tristesse
t'encerclons de protections vaillantes
entretenons des clairs de lune
à la pensée surabondante de t'aimer
nous faisons la pluie et le beau temps
nous dansons sous tes jupons de crêpe sombre
moi et ma tristesse
ne faisons plus qu'un homme à abattre
lorsque tu nous révèles le secret de la vie.
inédit
André Chenet