La neige

Publié le par la freniere


La neige ? La neige ce n'est rien. Regarde-là  tomber : elle, sans bruit. Personne ne saurait dire le moment où elle recouvre exactement le sol. Ce moment là, le moment où tout ce qu'on connaissait parait avoir disparu, le dernier clin d'œil, le dernier soupir, personne ne le sait exactement. C'est une disparition lente, un effacement très progressif, une douce violence, un décor peint en trompe-l'œil.  Les bruits eux-mêmes s'en trouvent changés. Ils ont perdu leur écho comme tout le reste son ombre, relief, perspective. Ils ne communiquent plus entre-eux de loin en loin, ne se superposent plus. Ils ne s'entendent plus. Chacun est plus mat, plus plat. Il n'y a plus que des bruits blancs, isolés, qui s'interrogent.


On ne verra de ce qui est passé, en creux, que les traces. Les choses, les gens, les habitants, on ne les verra plus. Les animaux. Les animaux oui... Les animaux non plus. Juste des traces, en creux, imprimées. Mais je n'en peux plus de la métaphore de la page blanche. La page n'est jamais aussi blanche que recouverte de mensonge. Tout est là, tout reste sous cette page tournée, tombée du ciel, sauf nous. Rien n'est à ce point recouvert qu'on ne puisse encore le deviner sous le palimpseste du mensonge. Le mensonge du blanc. Les arbres sont là plantés dans leur patience. Les pierres ont juste un chapeau, chacun des i de la barrière, devenus minuscules, son point. Les maisons, les fenêtres sont déguisées de perruques et de barbes postiches, mais tout est encore là et bientôt ça ne sera plus Noël. La neige fait comme si. Elle joue à faire semblant. On marche. Ce pur mensonge, on voudrait tellement y croire. La neige et l'hiver nous racontent des histoires. Rien ne s'arrête jamais sauf nous, plantés puis couchés, puis recouverts. On voudrait tellement croire que la mort n'est qu'un mensonge envoyé du ciel en petits flocons.

 

Jean-Marie Dutey*

 

* un auteur de Photomaton et Scribulations



Publié dans Glanures

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