
ODANAK
Bien avant l’arrivée des premiers colons dans les Cantons de l’Est, les Amérindiens avaient découvert ce territoire. En effet, les Abénaquis qui occupaient au départ le Maine et s’étendaient dans le New Hampshire, le Nouveau-Brunswick et jusque sur les bords de la Nouvelle-Écosse émigrèrent dans la région vers 1680 pour fuir les persécutions des Anglais.
Selon les archéologues, cette société autochtone serait demeurée près de la rivière Saint-François et du lac Aylmer mais aussi près des villes qui allaient devenir plus tard Weedon, Lennoxville, Sherbrooke, Magog ou encore Brompton. En effet, les recherches archéologiques entreprises dans ces secteurs ont permis de découvrir des éclats de silex ainsi que des objets faisant partie de la vie quotidienne des Amérindiens comme, par exemple, des couteaux, des grattoirs et des pointes de lance.
Par ailleurs, les noms autochtones de certains endroits bien connus aujourd’hui dans les Cantons de l’Est comme Mégantic (lieu où se tiennent les poissons), Massawippi (eau profonde), Memphré-magog (grande étendue d’eau) et Coaticook (rivière à la terre de pin) montrent les traces évidentes du passage de ces nations. Toutefois, les Amérindiens n’ont pas toujours eu ici de résidence fixe, mais ils ont tout de même séjourné auprès des cours d'eau en différentes saisons de l’année.
La présence de ces autochtones sur le territoire est aussi perceptible par les légendes entourant le pin solitaire. La première de celle-ci veut qu’après une bataille entre un Iroquois et un Abénaquis, ce dernier l’emporta et scalpa son ennemi sur un rocher se trouvant dans le Saint-François à l’embouchure de la rivière Magog. L’autre légende, cette fois-ci beaucoup plus romantique, prétend que ce même rocher est le tombeau d’une jeune Amérindienne.

Le rocher du pin solitaire, au milieu de la Saint-François. Fonds Andrée Désilets. La Société d'histoire de Sherbrooke IP154RPN32D1
L’histoire raconte que deux promis, Robert Gardner et Aline Morton étaient prisonniers à Saint-François-du-Lac. Ils réussirent à s’échapper, mais épuisée, la jeune femme mourut dans les bras de son fiancé. Celui-ci l’ensevelit sur le rocher et en guise de stèle funéraire il y planta un petit pin avant de mourir lui-même épuisé. Le pin solitaire n’existe cependant plus aujourd’hui.
En effet, il disparut en 1913 alors que deux ivrognes «le sectionnèrent en rondelles ; ils vendaient les tranches du mystérieux conifère comme souvenir à raison de 25 cents pièces, afin de se procurer de quoi boire ». Aujourd’hui encore nous pouvons voir ce rocher (notre photo) qui inspira tant de légendes, le pin solitaire ayant fait place, pour sa part, à une petite croix blanche.
Plus tardivement dans l’histoire de notre région, à l’ouverture des Townships de l’est à la colonisation du XIXe siècle, plusieurs Abénaquis délaissèrent ce territoire de chasse pour se tourner vers d’autres espaces. Toutefois, certains d’entre eux demeurèrent ici. En effet, le gouvernement entrepris de subventionner l’agriculture chez cette nation, mais ces derniers préférèrent développer une toute autre industrie, celle de paniers qu’ils allaient vendre aux États-Unis. Toujours au XIXe siècle, l’idée de développer des réserves amérindiennes sur le territoire canadien apparaîtra.
Par la création de ces espaces, le gouvernement voulait en fait occulter la présence autochtone mais aussi intégrer les différentes nations à la population canadienne. La région des Cantons de l’Est verra ainsi, au cours de cette période, l’apparition de la réserve abénaquise dans le secteur de Coleraine. Celle-ci, cédée en 1882 à la nation abénaquise par les autorités gouvernementales, sera fermée moins d’une vingtaine après sa création, soit en 1901. Cette situation est d’ailleurs conforme à la politique d’assimilation prônée par le gouvernement fédéral.
En effet, ce que l’on cherchait à l’époque c’était de «tasser» les Autochtones sur des réserves pour ensuite vendre le territoire concédé ou encore diminuer sa superficie pour les besoins des colons avides de terres nouvelles. Ce qui obligeait, croyait-on, les autochtones à s’assimiler à la population blanche. Toutefois, on sait bien aujourd’hui que cette tactique ne s’avéra que peu lucrative. En fait, la nation abénaquise est toujours présente au Québec, le village d’Odanak en étant la preuve vivante.
Maryse Bilodeau (Université de Sherbrooke)