Un jour qui ne vieillira pas (Belgique)
Mon cœur était lourd comme un fruit
mûri aux soleils de fièvre du sang
mangé d'insectes d'inquiétude
toujours décourageant la mort
et se contredisant de même
J'habitais alors
une maison inhabitée
un vide fou
j'écoutais à longueur de temps
le délire d'objets infirmes
pierres creuses
meubles arthritiques
Je parlais haut
je parlais faux
parce que j'avais peur
et j'avais peur encore
de mes propres paroles
parce qu'elles se dévoraient
entre elles
Il t'a suffi d'un regard pour briser
la ronde claudicante de mes geôliers infatigables
vanité de poète dans l'orgueil de son langage
il t'a suffi d'un regard
pour que tout soit dit
une fois pour toutes
C'était un jour encore à jeun
du premier cri de l'oiseau
du premier pas de l'homme
un petit jour de braconnier
qui s'est jeté dans tes yeux tristes
comme le fleuve dans le fleuve
comme la brise dans la brise
et ce fut une grande joie
car tout était réconcilié
car tout était à partager
et l'homme ce matin-là
allait sans le savoir
les bras ouverts
depuis longtemps
à ma rencontre
C'était un jour qui ne vieillira pas.
Serge Wellens