Au nom des miens
J’entends, je lis « la barbarie israélienne » et mon cœur saigne devant l’incompréhension et l’injustice.
Au nom de
Daniel, médecin dans un hôpital près de Tel Aviv, qui sauve des vies sans se demander la couleur ni la religion de celui qu’il soigne, un homme "bien", drôle, intelligent et ouvert au monde,
Au nom de
Nadia, mère au foyer, qui élève ses trois fils dans le respect et l’amour, qui tremble pour eux dans leurs gestes les plus simple de la vie – comme toute mère, certes, mais avec des raisons supplémentaires,
Au nom de Yona,
Jeune étudiant paisible de Haïfa, qui étudie la théologie dans une yéshiva, un beau garçon robuste et farceur qui aujourd’hui est appelé comme réserviste, lui qui n’a même jamais joué au cow-boys et aux indiens,
Au nom de
Yaïr encore au lycée mais qui aimerait bien devenir médecin,
Au nom de
Ilon, un petit diablotin encore en primaire et qui connaît le nom de toutes les marques de voitures de la création,
Au nom de
Michèle, éducatrice d’enfants trisomiques, qui prépare avec frénésie le mariage de sa fille aînée pour le mois de décembre,
Au nom de
Simon, prématurément à la retraite pour raison de santé, un brave type qui se couperait en dix pour rendre service à son prochain,
Au nom de
Karen, amoureuse depuis plusieurs années d’un garçon adorable, ils vont enfin se marier, appelée à l’armée,
Au nom de
Hélène, 18 ans qui rêve de connaître le monde, de voyager…,
Au nom de
Tsion 15 ans qui ne pense qu’à draguer les filles,
Au nom de
Cécile, professeur de math, réputée venir à bout des « cas » très difficiles, mère de cinq enfants dont la dernière, Esther, est née au mois d’avril. Cécile habite Haïfa avec son mari Michaël et ses enfants, au moment où j’écris, ils sont certainement dans un abri avec la chaleur et les cris et la peur… Cécile, elle a vu la maison de sa voisine détruite, elle sait qu’à deux rues de chez elle, un vieux bonhomme est mort, pas eu le temps d’aller à l’abri… Cécile qui est venue vivre à Haïfa parce que c’est une ville oecuménique, une ville modèle où vivent les juifs et les arabes en parfaite harmonie comme nulle part ailleurs au moyen orient. Cécile qui espère que ses enfants ne seront jamais obligés d’aller se battre parce qu’aucune mère digne de ce nom ne peut souhaiter voir ceux qu’elle a mis au monde mourir, et surtout pas à la guerre…
Au nom de Cécile, mais aussi, au nom d’Elinore, étudiante, au nom de Denise et Hubert, retraités, au nom de Jacqueline, d’Estelle et de ses enfants, de Judith, de Joëlle, de Richard…
… je réfute la dénomination de « barbares », je ne vois ici que des gens très ordinaires, qui vivent qui pleurent qui rient et qui n’ont qu’un désir : vivre comme vous comme moi sans la peur sans l’inquiétude du lendemain, des gens prêts à beaucoup de sacrifices, mais prêts aussi à se défendre, des gens qui ne sont pas tous du même avis, qui s’engueulent, se disputent, qui parlent politique, mais qui sont tous d’accord sur une chose : la vie d’abord, quelle qu’elle soit, alors où sont les barbares ? Donner une nationalité à la barbarie voilà qui est étrange !
Michèle Menesclou