Pierres gravées (Espagne)
J’ai vu l’ombre poursuivie par les fouets jaunes,
acides jusqu’aux bords du souvenir,
des linges devant les portes de l’indignation.
J’ai vu les stigmates de l’éclair sur des eaux immobiles,
dans des étendues visitées par les présages ;
j’ai vu les matières fertiles et d’autres qui vivent dans tes
yeux;
j’ai vu les résidus de l’acier et les grandes fenêtres pour
la contemplation de l’injustice (ces ovales où se cache
la phosphorescence) :
c’était la géométrie, c’était la douleur.
J’ai vu des têtes absorbées dans les cendres industrielles;
j’ai vu la lassitude et l’ébriété bleue
et ta bonté comme une grande main avançant vers mon
cœur.
J’ai vu les miroirs face aux visages qui ont refusé d’exister :
c’était le temps, c’était la mer, la lumière, la colère.
Antonio Gamoneda
Traduit par Jacques Ancet