Paroles indiennes
LE CRI
du commencement à la fin
...
Les Peaux-Rouges pour crier portaient une main à la bouche ce qui avait pour effet de saccader le cri, de le tronçonner, lui permettant de s'échapper petit à petit au long des jours car il est probable que, lancé d'un seul trait comme leurs flèches, cet immense cri qui les rongeait par le dedans aurait tout pulvérisé. Les Peaux-Rouges savaient la force de ce cri subitement libéré et c'est pourquoi ils utilisaient pour crier la main comme soupape de sûreté.
Depuis les premiers Peaux-Rouges, depuis le premier homme humilié, depuis le premier homme révolté pris d'un insupportable mal de coeur, ce cri n'a fait que grandir et toujours l'homme le tient au plus profond de lui-même.
C'est par ce poids dans la poitrine que l'homme se trouve rivé à la terre. Ce n'est pas tant la loi de l'attraction terrestre que l'énormité de son cri qui le retient ainsi vissé au sol.
C'est encore ce cri qui le fait si souvent se pencher, s'asseoir, courber l'échine à mesure qu'il vieillit et tous les soirs se mettre au lit pour oublier en rêvant
et vivre
survivre
en attendant le jour où il pourra s'ouvrir et enfin CRIER SON CRI, crier, dejoie ou de rage, mais le crier à bout portant à la face du monde
QUI SERA ALORS EN RUINES OU EN FLEURS.
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Roland Giguère La main au feu, L'Hexagone, 1973
du commencement à la fin
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Les Peaux-Rouges pour crier portaient une main à la bouche ce qui avait pour effet de saccader le cri, de le tronçonner, lui permettant de s'échapper petit à petit au long des jours car il est probable que, lancé d'un seul trait comme leurs flèches, cet immense cri qui les rongeait par le dedans aurait tout pulvérisé. Les Peaux-Rouges savaient la force de ce cri subitement libéré et c'est pourquoi ils utilisaient pour crier la main comme soupape de sûreté.
Depuis les premiers Peaux-Rouges, depuis le premier homme humilié, depuis le premier homme révolté pris d'un insupportable mal de coeur, ce cri n'a fait que grandir et toujours l'homme le tient au plus profond de lui-même.
C'est par ce poids dans la poitrine que l'homme se trouve rivé à la terre. Ce n'est pas tant la loi de l'attraction terrestre que l'énormité de son cri qui le retient ainsi vissé au sol.
C'est encore ce cri qui le fait si souvent se pencher, s'asseoir, courber l'échine à mesure qu'il vieillit et tous les soirs se mettre au lit pour oublier en rêvant
et vivre
survivre
en attendant le jour où il pourra s'ouvrir et enfin CRIER SON CRI, crier, dejoie ou de rage, mais le crier à bout portant à la face du monde
QUI SERA ALORS EN RUINES OU EN FLEURS.
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Roland Giguère La main au feu, L'Hexagone, 1973