Un conte de Noel
Noël, Noël, Noël ! Arrivé décembre, ils n’ont plus que ce mot-là à la bouche. Ils s’agitent frénétiquement dans les boutiques, ils achètent avec fièvre des sapins, du boudin, des huîtres, des bûches, des chocolats ! Ils vont ingurgiter tellement de nourriture qu’ils s’en rendront malades, à croire qu’ils ont fait ceinture toute l’année.
Et ces pauvres dindes et ces chapons par milliers sacrifiés sur l’autel de la gourmandise et au nom de quoi ? De la ré- quoi ? La réconciliation entre les hommes ? Laissez-moi rire ! Ça se saurait, si les hommes voulaient se réconcilier, il y a longtemps qu’ils l’auraient fait. Un soir dans l’année ils se donnent l’illusion d’être bons, d’être pacifiques, tout à coup ils se croient devenus des anges ! Alors ils pardonnent leurs offenses à ceux qui les ont offensés, ils demandent pardon à Dieu et attendent même minuit pour le prier ! Je ris. Aux éclats. Jaune. Ah ! Les bons sentiments qui ne durent pas plus qu’une nuit ! Dès le lendemain, ils se lèvent avec la gueule de bois d’avoir trop bu, trop festoyé, ils en veulent au monde entier de ce mal de tête, de ce ventre ballonné, là, leur Dieu s’appelle Alka seltzer. Ils haïssent leur voisin trop bruyant, leur patron qui ne leur a pas donné la journée de congé qui pourrait leur permettre de se remettre de leurs agapes. À nouveau, le flot sanglant des images que leur renvoie la lucarne magique ne les regardera plus, ne les dérangera pas plus que ça.
Et moi, est-ce que quelqu’un a pensé à moi, au travail que je vais avoir en cette nuit de Noël ? Est-ce que l’un d’entre vous a seulement idée du cauchemar que représente pour moi cette nuit chaque année ? J’entends les rires, la joie dans les maisons, le bruit que fait la valse des fourchettes, les embrassades, les mots doux et pendant ce temps, je suis dehors, j’arpente les rues et il fait un froid de chien ! C’est une vie ça ?
Pour être tout à fait honnête, nous sommes deux dans la même galère ce soir là, il y a le gros plein de soupe encapuchonné de rouge, toujours prêt à rire, les joues rosies par le froid, mais il paraît que ce masochiste aime ça ! Par ailleurs, lui, on lui fait bon accueil, des biscuits et du lait l’attendent dans bien des maisons, ce démagogue a su se faire aimer, si vous croyez que les enfants l’apprécient pour ce qu’il est, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’à la clavicule, non, les enfants sont comme leurs parents : in-té-res-sés, dans leurs yeux ce que l’on prend souvent pour des éclats d’innocence ne sont que des rayons d'indifférence à autre chose qu’eux-mêmes. Mais, je suis là, moi pour remettre bon ordre là-dedans ! Oui, tous ceux qui n’ont pas été dans le droit chemin, ceux qui ont volé, médit, triché, haït, et ils sont nombreux, tous ceux qui n’ont pas su aimé, qui n’ont pas su être reconnaissants envers la vie, tous ceux-là, je suis venus pour les punir, moi, Père Fouettard, qu’on se le dise !
Michèle Menesclou
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