Jean-Pierre Chambon

Publié le par la freniere

Jean-Pierre Chambon est né le 3 juin 1953 à Grenoble, où il travaille comme journaliste. Il a publié une quinzaine de livres chez différents éditeurs : Le Castor astral, Gallimard, Comp'Act, Cadex, L'Amourier, Jacques Brémond... Il a co-animé la revue "Voix d'encre" entre 1991 et 2002. Quelques-uns de ses poèmes ont été traduits en espagnol, portugais, italien, russe, polonais, hongrois, bulgare, arabe.

 
 
Labyrinthe, Cadex, 2006.
Sur un poème d'André du Bouchet
, Éditions Jacques Brémond, 2004.
Méditation sur un squelette d'ange
, avec Michaël Glück, L'Armourier, 2004.
Corps antérieur, Cadex, 2003.
Goutte d'eau, Cadex, 2001.
Assombrissement, L'Amourier, 2001.
Jardins des limbes, Paroles d'Aube, 1999.
Carnet du jardin de la Madeleine
, Cadex, 1999.
La Traverse
des îles, Paroles d'Aube, 1998.
Rimbaud, la tentation du soleil, Cadex, 1997.
Un chant lapidaire, Voix d'Encre, 1995.
Le Roi errant, Gallimard, 1995. Prix Yvan Goll 1996.
Fragments d'épreuves, Le Verbe et l'Empreinte, 1992.
Le Territoire aveugle, Gallimard, 1990.
Le Corps est le vêtement de l'âme
, Éditions Comp'Act, 1990. Réédition en 1993.
Les Mots de l'autre
, avec Charlie Raby, Le Castor astral, 1986.
Matières de coma, Ubacs, 1984.
Évocation de la maison grise
, Le Verbe et l'Empreinte, 1981.
 
 

Parfois dans un coin de terre à l'abandon,
des décombres, se laisse entrevoir une brèche,
se met à palpiter une promesse :

— c'est là soudain, le long d'un rail
dont l'éclair s'éteint parmi de maigres
touffes d'herbe surgies du mâchefer,
autour d'une auréole vineuse grêlée
de cendre à l'aplomb d'un pylône,
dans un ciel d'orage qui coagule
derrière les ruines d'un hangar,
ou autour d'une charogne incubant
parmi les larves dans la fosse aux orties,

— c'est là, en faibles éclats fulgurants,
c'est là soudain que recommence le monde.  

In  Le Roi errant  © Gallimard, 1995.
 
 
La neige s’était mise à tomber abondamment. À travers le dru papillotement des flocons, je discernais de plus en plus mal les silhouettes du guide et du porteur. Bien souvent, ils devaient faire halte pour m’attendre. À chaque pas, mon corps s’enfonçait lourdement dans la masse froide et friable et je ne sentais plus mes pieds raidis sous les bandages et les guêtres. Dans le simple et pénible mouvement de la marche, le pur instinct d’avancer avait relayé en moi toute décision. La neige, à travers ses hachures, ne laissait entrevoir qu’une grisaille infinie. Les vagues formes sur lesquelles tentait de prendre appui monregard se dissolvaient dans le même poudroiement. De temps à autre, un tourbillon de vent me lançait au visage une poignée de semences et, les pommettes en feu, le front harcelé de picotements, je fermais les yeux un instant. Mais c’était alors comme si la neige continuait à vibrer en moi, dans un espace où je n’étais que cette granulation hallucinante, ce pullulement sans fin. Comme en écho à la tourmente, la confusion commençait à gagner mon esprit.

In Assombrissement, L’Amourier
 

Il faudrait dire encore le scorpion du corps qui se retourne contre le corps, l’ironie du squelette d’ange, la mort qui bat de l’aile et se rit de l’immortalité autant que du sexe des conciles ; dire ce qui résiste à la pensée, le souvenir d’un abcès dans la relique d’une mâchoire, ou l’obscénité d’une dent manquante, son trou noir dans la profération des langues. Il faudrait dresser la liste des lésions, mesurer la profondeur des rides, compter les cicatrices et les taches du temps, lire ce qui s’inscrit à l’insu de la main.
 
In Méditation sur un squelette d’ange, L’Amourier
 

dans l’éblouissement
parmi les éclaboussures
du ciel

une flaque de soleil
à midi

au milieu du monde
merveilleux

au bord du bleu adorable

nageur
à la musculature d’ange

comme un animal en joie
s’ébrouant

dans l’ivresse
de vivre

l’éternité fugace

corps étranger

In Corps intérieur, Cadex

 
Jean-Pierre Chambon

Publié dans Les marcheurs de rêve

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