Vincent-Marc Karénine
Vincent-Marc Karénine est un poète franco-américain majeur. Il écrit en français même s’il est né et habite les Etats-Unis. Il a publié en 1991, un étrange recueil intitulé O America, chez Intertextes éditeur/Barbier-Beltz. ISBN 2-904593-40-3. Une vision vraiment complète de l’Amérique par un nouveau Thoreau. Un assemblage de graffitis, récitatifs, monologues, imprécations, poèmes et proses.
Les droits d’auteur de cet ouvrage sont offerts à Amnesty International.
« Voici un poème dont le centre se trouve dans chacune des parties et dont le tour couvre l’étendue du continent américain ! Paysage vaste pour se livrer à une expérience grâce à laquelle sera reconnue « une beauté jamais voulue pour elle-même ». Et chaque fraction d’espace génère, ici, sa f0rme de poésie.
La fable et la réalité s’interpénètrent dans un voyage à travers temps et espace, un voyage qui fait surgir en nous le sens intérieur de la faune, de la flore, des éléments, des choses, cela grâce à présence d’un poète qui vit la passion du langage.
Avec des mots, je veille du dedans, écrit-il. Avec les mots, il sait creuser, il sait construire. Et par la hardiesse de ce langage, la diversité confondante de ce livre, à l’image de la réalité qu’il explore, gagne son unité.
Sans jamais hausser la voix, ce poète fraternel traverse le grouillement vivant des villes et des déserts. Causticité, tendresse, détresse, humilité, humour, solitude, amour, dérision, imprécation : tout cela devient pour nous morale décapante parce que : De sa propre nuit – la poésie fait exister.»
Ricercari, Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1971
Resplendir, Chambellan, 1974
Graffitis pour les murs de demain, édition bilingue, Le Pont de l’Épée, 1976
Oasis New-York, édition bilingue, Chambellan, 1976
La Fête à Caïn, édition bilingue, Le Pont de l’Épée, 1978
L’oiseau-Dieu, Le Pont de l’Épée, 1981
Les Fenêtres, Le Pont sous l’eau, 1990
O America, Intertextes éditeur, 1991
Le temps fraîchement remué des jardins de Hatteras fulgure. L’insomnie reproduit le premier jour. Le soleil siffle ses reines. Les malades conviés à ses chantiers s’enfuient des hôpitaux. La classe va commencer dans cette école où rien ne s’apprend, abîme tendre et calme à force d’usure, étagé avec ses rondes d’enfants, ses architectures et ses orchestres de renoncules. Rien ne sert de forcer ses tiroirs, elle dissout les oxydes de la peur. Ses oiseaux se mettent partout.
Je lève la fenêtre, le vent vient du Nord éparpiller des oiseaux qui n’existaient pas, et je chante pour chanter.
Pauvreté de Brooklyn.
Queens et Manhattan rendues proches par un azur d’écolier où nous touchons à nos propres limites. L’abîme est sobrement occupé par un érable carnassier, au guet, dans l’arrière-cour.
Mi-braise, mi-bête, tu ne te ressembles jamais; tantôt tu parcours tes greniers à neige, tantôt tu arraches, bec et ongles, ses ombres au couchant, ou bien tu hurles en dormant : C’est la Saint-Valentin.
Mais tu préfères encore l’haleine des abattoirs. La lune, même dans tes ascenseurs, ne perd jamais le fil de ton récit, toi qui changes d’âme pour un rien.
Boulangers épuisés
Par votre propre pain
La solitude enfin
Suscite sa moisson
En mêlant votre adieu
À l’aube au fond des cours
Votre oubli devenu
Le pouvoir des rosées
Vos mots changés en pierres
Inventent les torrents
*
Mais ferme ta gueule Marie-Pognon – les rues sont pleines de violons morts et le soleil déjà haut grince sur ses berceaux – les autos fondent comme des berlingots aphrodisiaques –
Nécessité de suivre les hasards puissants et les tourbillons – de s’élever plus haut que les journaux – Je vois enfin –
Mais aurons-nous le temps de jouer dans nos cages de givre jusqu’à l’été indien ?