Antonnella Anedda
Glané sur l'excellent site Terre de femmes |
Bibliographie
- Residenze Invernali (Crocetti, Milan, 1992, préface d'Arnaldo Colasanti), pour lequel elle a reçu le prix Sinisgalli, le prix Diego Valeri et le Tratti Poetry Prize ;
- Notti di pace occidentale (Donzelli, Rome, septembre 1999). Prix Montale 2000 ;
- Il catalogo della gioia (Donzelli, Rome, 2003) ;
- Dal balcone del corpo (Mondadori, Collection Lo specchio, Milan, juin 2007). Prix Napoli 2007. Prix Giuseppe Dessì 2008.
Elle a également publié quatre recueils d’essais et nouvelles :
- Cosa sono gli anni (Fazi Editore, Rome, 1997) ;
- La luce delle cose (Feltrinelli, Milan, 2000) ;
- Tre stazioni (LietoColle, Faloppio, 2003) ;
- La vita degli dettagli (Donzelli, collana Saggine, Rome, 2009).
11 SEPTEMBRE 2001
Je suis le sillage de la lumière à l'intérieur des mois, dans la crypte automnale
j'écoute la première pluie, ample, sur la gouttière.
Septembre ― dit le calendrier à moitié consommé avec ses figures
d'insectes sur les feuilles. Presque octobre en avance les coquilles
d'escargots une pour chaque jour comme pour réfuter la peur avec la lenteur.
Loue ces créatures de la terre, leur vol bref, la main patiente qui dessine.
Contre le feu, le ciel céleste de la foi.
En bas, dans le jardin, l'architecture rayonnante des lombrics, un
voile de fourmis sous le pommier. Je m'incline devant la boue, devant les moucherons
devant l'escargot, devant la fatigue avec laquelle il grimpe sur mon doigt.
POUR UN NOUVEL HIVER
S’il suffisait de ceci : arriver quelque part
en prononcer parfaitement le nom, être à la maison.
Heureux hiver quand le nouvel hiver est passé
d’un début qui pour nous est encore sans nom
proche du chemin des filets, l’été
peut-être, un faible cercle de lueurs.
Autour, des plantes seules
que tu n’aurais pas eu le temps de déplacer
de l’eau sur les pierres soufflée ― la grêle
nous ne saurons jamais si elle est arrivée au bruit
qu’elle faisait sur les toits, là à ton époque
dans la propreté blanche et humaine des sanitaires.
Jusque là, juste des pas nets
que tu écoutes peut-être avec un ardent silence
et l’air entre les orangers agités lentement par la main des vivants.
Tu vois, ici pour la première fois, rien ne se perd.
Ce matin, ils ont battu la terre
froide ― comblée par la joie des eaux
le vent dans la cour
a oublié pour toi
la barre de la chaise, la nuque renversée.
Bonne nuit maintenant qu’il fait nuit à nouveau
et il est faux que le gel durera
et doucement tu abaisses la pensée
peut-être un déclic déclenche-t-il quelque chose en hauteur
très haut ―
une note
au-delà du bec, au-delà des yeux brillants d’un oiseau
un éclair de colline ― celle-là en bas
collée au toit vert bronze de l’église.
Bonne nuit à toi
à jamais privée d’abîme une steppe de l’âme étouffée
où l’olivier se plie sans un bruit
Jérusalem de la quiétude
de la quiétude et du tronc qui encercle et inscrit la mort
qui l’aspire dans le vide et dans le vide la jette
et la mâche lentement.
Je n’ai ni voix ni chant
mais une langue tressée de paille
une langue de corde et du sel dans mon poing
plein pour chaque fissure
dans le portail de la maison qui frappe sur le tombeau dur de l’aube
de l’obscurité à l’obscurité,
pour qui reste
pour qui tourne.
*
Si j’ai écrit c’est par inquiétude
parce que j’avais souci de la vie
de la félicité des êtres
serrés dans l’ombre du soir
quand le soir s’abat soudain sur les nuques.
J’écrivais pour la pitié des ténèbres
pour toute créature qui recule
dos plaqué à la rambarde
pour l’attente marine – sans cri – infinie
Écris, me dis-je, et j’écris
pour avancer plus seule dans l’énigme
parce que mes yeux m’alarment
et le silence des pas est mien, mienne la lumière
déserte – clarté de bruyère –
sur la terre de l’avenue
Écris parce que rien n’est défendu et le mot arbre
tremble plus fragile que l’arbre, sans ramure ni oiseaux
parce que seul le courage peut creuser
vers le haut la patience
jusqu’à ôter du poids
à la noire pesanteur du pré.
*
MAI, NUIT
À ma mère et mon père
Vent de mai de Bonifacio à Corte, mistral depuis les Bouches à rebours jusqu’à Santa Teresa et au sud du sud jusqu’au Campidano. Archipels en étoile et fureur de beauté sans dieux. Les vaches défilent pour la fête de Sant’Efisio, avec les cornes entourées de fleurs, elles avancent avec la mer lumière-blanche sur le dos.
Là-bas ― l’horizon. Ici ― dans la pièce ― meurt le chien le plus aimé, avec le museau entrouvert à la lumière comme fini par une main invisible.
NOVEMBRE, NUIT
Même maintenant je vois un geste nuptial
après l’immense distance de cet été lent
dans la courbe de ses tiges amères
après les années qui au-devant d’elles
ont barré l’amour pour qu’il ne se perde
jusqu’à le perdre assourdi contre l’herbe.
Aujourd'hui c'est une nuit de pluie.
Nous pouvons la traverser selon deux lueurs diverses sans lumière
dire, en touchant le bord gelé d'un verre
que tant d'éloignement n'a pas été une erreur
s'il a ceint et dissipé secrètement
tout désir irréel.
Antonella Anedda