Erri de Luca: considero valore

Publié le par la freniere

 

 

 

J’attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.

J’attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.

J’attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui      qui ne s’est pas épargné, à deux vieux qui s’aiment.

J’attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd’hui vaut encore peu de chose.

J’attache de la valeur à toutes les blessures.

J’attache de la valeur à économiser l’eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s’asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.

J’attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive.

J’attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patieence du condamné quelle que soit sa faute.

J’attache de la valeur à l’usage du verbe aimer et à l’hypothèse qu’il existe un créateur.

Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.

 

Erri de Luca

 

traduction : Danièle Valin

Publié dans Poésie à écouter

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