Ils ont dit
Moi qui ne suis qu’un "poète incomplet" puisque guidé par l’instinct seul : (votre citation de Baudelaire) et moi qui souvent crois que "parmi les similis de la pensée", les critiques "ont toujours la part belle". Je crois qu’il y a pire que le nihilisme et le positivisme. Le regard de notre société statufie l’indifférence et la révolte de sucre. Il se limite souvent à des mots à consommer en bonne compagnie autour d'une tasse à thé. L’enjeu contemporain, puisque l’on fait référence à la dimension de la profondeur humaine, est rendu si complexe par une voix dominante (qui volontairement atrophie, écrase, filtre et oriente l’information), que le regard moral se perd. Le crime contemporain n’est plus un artisanat antique, l’idée de droit humanitaire doit-elle cautionner le meurtre qui sauve ? L’arbitrage des mémoires doit-il se référer aux paradis perdus, aux douleurs de l’Histoire ?
Si le bien et le mal n’évoluent pas, la façon de les appréhender est devenue complexe, la capacité d’analyser l’époque et l’immédiateté, fait que le sens de l’Histoire est inapprochable pour beaucoup d’entre nous, le labyrinthe s’est complexifié. Le littérateur est souvent un partisan qui n’est pas armé pour affronter le problème même des réalités. La réactivité intégriste ou passionnelle est inappropriée au devoir de conscience. Le nihilisme, départ nécessaire vers autre chose ne voit pas sa destination. Nous qui avons besoin maintenant de reconstruire une mémoire vivante qui intègre aussi bien l’hier que l’ici et maintenant. Le rapport du poète au monde n’est maintenant juste que par son cri, et le littéraire souvent dilue le cri sans expliciter ses propositions. En cela je suis d’accord avec vous, la lecture et le champ de la pensée se doivent d’ouvrir un livre qui "ne forme pas communauté". Pascal Boulanger avec raison affirme que "les enfermements ne disent rien sur la complexité des êtres et des situations".
Il n’est est pas moins vrai que, loin de nos océans de papier, chaque nuit la baleine et l’Indien dépeuplent nos mémoires.
Jean-Michel Sananès