Jean-Claude Pirotte, clochard céleste

Publié le par la freniere

Jean-Caude Pirotte marche dans le Brouillard. Jean-Claude Pirotte est né dans le brouillard, à Namur (1939), et les densités grises ont nourri son muscle cardiaque. Jean-Claude Pirotte est un poète et comme tous les poètes il a eu neuf vies. Il connait le lait des petites aubes qu'il a traversé comme un chien errant. C'est un fugitif, un cavaleur, un avocat, un ivrogne, un peintre, un érudit, un vagabond. Il n'est pas exemplaire. Son pull est élimé, sa barbe mal taillée. Il ne veut pas être admiré. Il a beaucoup souffert. Autant qu'un homme. Il a lu des livres et traversé des forêts. Battu le métal bleu des nuits d'exil. Il a bu et il a hurlé. Il a aidé un ami. Il a écrit des poèmes. Il n'a pas renoncé. Bras ouverts. Poings serrés. Ses livres ne sauvent pas le monde, ils écopent le radeau, ils tiennent tête au stupide l'horizon, ils demandent pardon sans rien dire, ils boivent la pluie, ils disent merde et merci. Jean-Claude Pirotte sait qu'"il est minuit depuis toujours". Il "jardine sa misère" et la partage avec la main, un mégot, une phrase de Chardonne, un tableau de Morandi. Il est le passeur sombre. L'ami de tous les exilés du matin. Le fils du vin et du brouillard.

 

Thomas Vinau

 

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je crois que je suis né

vers l’âge de cinq ans

en voyant les bébés

voguer dans leur landau

j’étais un vieux bébé

privé de véhicule

et la pluie me glaçait

de son silence agile

 

ma naissance en retard

me promettait peut-être

une mort différée

mais j’ai perdu la foi

moi qui meurs chaque nuit

avec exactitude

ah me réveiller neuf

comme un sifflet d’oiseau

 

comme un gâteau de miel

comme la pièce bleue

cousue dans un ciel gris

c’est pas demain la veille

 

aujourd’hui j’ai laissé

la jeunesse au vestiaire

même si, belle amie,

tu me crois un enfant

soit, je suis un enfant

hâtivement grandi

dont la barbe blanchit

 

Jean-Claude Pirotte

 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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