Jean-Robert Léonidas

Publié le par la freniere

leonidas.jpgDevenu médecin à Port-au-Prince, endocrinologue aux Etats-Unis, Jean-Robert Léonidas publie, enseigne, donne des conférences, informe les compatriotes, dispense des cours pour collègues en instance d'insertion. Haïti-progrès lui ouvre ses colonnes pour la littérature et des compte-rendus de lecture.

En 1992, paraît à Montréal Sérénade pour un pays ou la Génération du Silence, un retour spirituel au pays natal. Son deuxième livre Prétendus Créolismes ; le couteau dans l'igname (1995) est un essai sur le bilinguisme haïtien. En 2005, il signe un roman Les Campêches de Versailles et en 2007 un recueil de poèmes Parfum de Bergamote. Il prépare une oeuvre catégorie Beaux-arts sur des peintres haïtiens.
Jean-Robert Léonidas est un passionné des lettres. "La médecine est son épouse et la littérature sa maîtresse" dit Joel Desrosiers.

"Son écriture s'équilibre à un niveau accessible, élégante, sans ostentation ni panaches, simple, sans redondances ennuyeuses ni platitudes", ajoute Jean L. Prophète.
Dans une critique du roman, Hugues St-Fort, docteur en linguistique (Sorbonne) clôture ainsi: "L'écriture de Jean-Robert Léonidas est une écriture hautement littéraire. Le travail sur le langage atteint un degré de raffinement rarement dépassé dans notre littérature."

 

 

Bibliographie

 

Sérénade pour un pays ou la génération du silence. Cidihca, Montréal, Canada, 1992. Essai (134 pages) . C’est un retour spirituel au pays natal ;

Prétendus créolismes.Le couteau dans l'igname. Cidihca, Montréal, Canada, 1995. Essai (228 pages). C’est un essai sur le bilinguisme haïtien ;

Les Campêches de Versailles. Cidihca, Montréal,Canada, 2005. Roman (300 pages, roman) ;

Parfum de Bergamote.. Cidihca, Montréal, Canada, 2007. Poésie (117 pages) ;

Rêver d’Haïti en couleurs/ Colorful Dreams of Haiti, Cidihca, Montréal, Canada, 2009. Beaux-arts. (En collaboration avec Frantz Michaud, photographe).

Tiga ma cicatrice. Extrait de Haïti par monts et par mots, Un atlas littéraire. Ouvrage collectif publié par Étonnants Voyageurs Haiti. 2009

Mon Roumain à moi est au ciel. Mon Roumain à moi. Port-au-Prince: Presses Nationales d'Haïti, 2007: 153-59. (Sur Jacques Roumain)

Le retour à la poche des eaux. Une journée haïtienne, textes réunis par Thomas C. Spear. Montréal: Mémoire d'encrier / Paris: Présence africaine, 2007: 75-78.

Réinventer l’enfance. In Las Palabras pueden : Los escritores y la Infancia. Unicef, Colombie, 2007 :754-6

Ce qui me reste d'Haïti: fragments et regards . Essai (179 pages) Cidihca, Canada 2010

Rythmique Incandescente. Prose poétique.Riveneuve éditions, Paris 2011

A chacun son big-bang (Roman), Éditions Zellige, Seine-et-Marne, France 2012

Cerisette (nouvelle). Dans le collectif. La vie et ses couleurs. C3 éditions. Pétionville, Haïti 2012

Voix hautes pour Tombouctou. Poèmes (Collectif). Éditions Tombouctou, Mali 2013

Voisine tu m’as ému. Dans le collectif Haïti, Bonjour voisine. Mémoire d’encrier. Montréal 2013

 

 

 

Semence

 

Quand la morte saison hante le souvenir
s’installe au creux du ventre et ne veut pas s’enfuir
âprement résistant à l’oubli
sans vergogne sans eau sans alibi
le geste d’un semeur ganté de sécheresse
annonce la détresse
 
quand les machettes creusent des entailles
dans la moustiquaire de la liane corail
déchaperonnent les gommiers
et le berceau des amandiers
quand elles font des chemins de rat
dans la toison de nos lilas

 
 quand les bambous ne font plus baldaquin
  au lit de la Rouyonne
  et que les files de sapins
  n’égayent ni n’environnent
  le Vieux Bourg d’Aquin
  alors le temps des crachins
  prend une nette revanche
  devient soudain paradoxe d’avalanche

  alors je récite l’alphabet de la vie
  pour toi ma belle au teint d’aubergine
  je fais couver des graines dans des bacs au soleil
  je rêve de dattes de barbadines
  d’une saison de mots d’une formule espoir
   je chuchote les consonnes de ton nom
  dans les couloirs de mes tympans
  j’en écris les voyelles
  sur le tableau de ma rétine
  afin que jamais je n’oublie
 
  ton nom est un désir inscrit dans mon destin
  avec toi je batifole
  je sème des lettres des mots des phrases
  des œuvres de chair et d’esprit
  des gamètes d’abondance
  des germes de femmes qui font pousser des hommes
  des semences d’hommes qui font le tour des mers
  ramenant avec eux richesse et expérience
  des trésors de bonne foi des butins de l’errance
 
  je protège tes fleurs tes fruits ta chevelure
  tes racines tes pieds ton rythme ton allure
  ô terre tourmentée de vallées et de faîtes

  de sublimes efforts de piteuses défaites

  de commencements

  et de recommencements
 
  vieux pays de colons de colonnes d’esclaves
  de biens fonciers de lopins et d’enclaves
  de passion de tension
  d’incompréhension
  de contorsions pour rien de sueurs pour grand merci
  je réclame la paix pour ailleurs et ici
  de nouveaux plants d’hommes et de braves bergers
  de nouveaux animaux des pousses des vergers
 
  j’intercède pour une autre saison
  pour une année de guérison
  une pluie d’arrière-saison
  pour le printemps de la raison

 

*

 

Il est des univers à l’envers où les enfants travaillent,

Où les grands jouent aux cartes et s’adonnent à des riens.

Je hais les uniformes, les formes uniques où les têtes se nivellent ;

Je hais  les terres plates des villes où monts et vallons se confondent,

Les faces sans relief où l’humeur est égale et l’affect sans nuance.

Je déteste les mondes où, faibles, sans défense,

Les marmots sont pareils à des vieux en enfance,

Aux piliers fragiles d’une terre en démence.

 

J’ai l’âge des chiens, tous les ans j’ai dix ans.

Aujourd’hui j’en ai six et cela fait soixante.

Plus vite que mes os je grandis, plus vite que mon âme.

Pour moi, jamais une caresse, jamais un mot aimable.

Je préfère être un chat plutôt qu’être un enfant. On m’aimerait davantage.

 

Sur rue point de pignon, pour moi nul baptistère.

Je n’ai point de pays, je suis une frontière.

J’ai un nom africain et qui sonne haïtien ; je parle dominicain

je sais dire en trois langues des choses qui déplaisent.

Dans notre case étroite point de petit écran.

Pourtant au grand jour passent des films porno.

Et dans mes sommeils mon esprit déraille

ne sachant plus si j’en suis spectateur ou acteur.

 

Je hais, oui je hais jusqu’à ma mère

Puisqu’elle est partie sans me dire à plus tard.

A quoi servent les guerres, et pour qui et pour quoi ?

Soldat, veux tu te battre pour ma soeur, pour moi ?

A quoi bon la culture?

Fermier, j’ai faim, veux-tu planter pour moi ?

Veux-tu cueillir sur l’arbre de la vie

Un bouquet d’oxygène, un rameau de bonheur

Pour un fils de personne qui quémande de l’air?

On te dit spécialiste en tout, en droits de l’homme.

Voudrais-tu, cher monsieur, prendre ma défense

Et me servir de père, adopter un petit mendiant sans-maman ?

 

Je ne fais qu’enculer les mouches qui s’abreuvent de ma morve,

Qui font la ribambelle dans le carnaval de ma peau brune

Et de mes cheveux roux, ces couleurs que je porte comme un fanion

Comme le drapeau de la victoire des autres sur ma cause perdante.

Je n’ai point le courage de me moucher. Lave-moi, s’il te plaît, lave-moi de ma plaie.

Ôte-moi, je t’en prie, ma crasseuse chemise. Enlève-moi ma teigne, ma dégueulasse mise.

Pardonne-moi la faute que je n'ai point commise.

 

 

Jean-Robert Léonidas 

 

Publié dans Les marcheurs de rêve

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