L'effet

Publié le par la freniere

Ce poème a été écrit par Maxine Kumin, poète américaine qui vient de mourir, ce 6 février 2014, après le suicide, en 1974, de sa très grande amie, la poète Anne Sexton. Cette dernière s'était volontairement asphysiée avec les gaz d'échappement de sa voiture, dans son garage. 


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L’effet 
 
Dirai-je l’effet d’être dans tes vêtements ? 
Un mois après ta mort, je porte ta veste bleue. 
Le chien qui veille sur ma vie reconnaît la visiteuse 
en toi : il ne se sent plus de joie. 
Dans la poche gauche, un trou. 
Dans la droite un ticket de parking 
de l’an dernier, fin août, Bay State Road. 
Dans mon cœur, c’est semaille à tout vent, 
grenaille de cosses d’âme éclatées. 
Ma peau moule ton empreinte. 
Il fait chaud et sec à l’intérieur. 
 
Je reviens à l’ultime de tes jours, 
amie de longue date ; ah ! pouvoir en remonter les heures 
les reprendre dans un autre collage, 
te sortir du garage, de ton cercueil qui tourne au ralenti, 
te ramener à l’étage, disjoindre tes mains 
leur faire récupérer les miettes de pain et de thon 
pour la cérémonie d’un sandwich, 
rembobiner le film d’amateur jusqu’à nous trouver 
un endroit confortable, une cuisine avec vodka et glaçons, 
où nos mots seraient viandes en bouche. 
 
Amie chère, ton exemple 
ameute des foules. Gorgées telles des outres 
de vin, elles coincent à tes entournures. 
J’en aurai pour des années à réunir nos paroles, 
aller à la pêche aux lettres, photos, taches, 
me caler les côtes contre ce drap pérenne 
pour passer le blazer bleu et terne de ta mort. 
 
Maxine Kumin

traduction de Jean Migrenne

Publié dans Les marcheurs de rêve

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