L'épopée Rose

Publié le par la freniere

Le terrorisme économique est sans limites.
Ses tentacules herculéens tripotent et maculent de bave gluante
la moindre parcelle d’authenticité
Une banque ça bande avec de l’argent, ben d’l’argent.
Jamais assez d’argent.
Alors on écrase, on lessive, on épuise, on et on ment
et pour mentir en gros, parce que mentir en gros
c’est imposer des vérités,
on s’achète des journaux,
des radios, des câbles vidéos,
des chaînes de télé avec des centaines de canaux.
Avec leur argent sale, ils se paient les meilleurs terroristes du coin : les Pratte, les Dubuc, les Lagacé.

15 mars 2013

Patrick Lagacé dans le journal pour lequel il travaille commence son texte par ceci :

‘’C'est une chronique sur Paul Rose, l'assassin felquiste de Pierre Laporte, qui vient de mourir à 69 ans.’’

Encore du grand journalisme!

C’est connu. Archiconnu. Paul Rose n’était pas dans la maison de St-Hubert
quand Laporte est mort. Il ne peut pas être l’assassin Patrick!
Tu les as pris où tes cours de journalisme?
Avec Ti-Claude ‘’10/4’’ Poirier?

Le terroriste Lagacé fait la job de bras qu’on lui a dit de faire.
‘’Écris n’importe quoi, mais écris qu’on lui dit.
Répète aux gens qu’on est en démocratie
pis qu’on a des belles lois, des beaux ponts pis du divertissement en veux-tu en v’là.
On s’en occupe. Occupe-les!
Rentre-leur dans la tête qu’on fait tout ça pour leur bien.
Répète Lagacé, répète : Paul Rose, c’est un criminel, Paul Rose c’est un criminel…
Enfonce-le dans leurs cervelles de BS : Paul Rose c’est un criminel
Il voulait nous empêcher de faire de l’argent comme on veut, il voulait
Empêcher le progrès, il voulait plus de justice alors qu’il a violé NOS LOIS, NOS LOIS Lagacé !
Comprends-tu? NOS LOIS! Nos lois, c’est comme nos filles, c’est la prunelle de nos yeux, la base de notre belle démocratie. Il voulait violer nos lois Lagacé!
Répète Lagacé, répète : Paul Rose est un criminel, Paul Rose est un criminel…’’

Mais Paul Rose s’en fout de Lagacé, Paul Rose est aux portes du ciel.
En bon syndicaliste qui pense solidarité, il est en train de négocier la sortie de St-Pierre.
qui sera remplacé par le frère André. Lui il connaît ça les portes. Après cinq minutes
St-Pierre en larmes embrasse Paul Rose et Paul fait son entrée au paradis.

La première personne qu’il veut voir, c’est sa mère : Rose Rose. Un p’tit bout d’femme.
qui a connu la misère et qui a appris très vite que c’était en étant solidaire
qu’on passait à travers les hivers. Elle a appris à ses enfants à se tenir debout, à partager le peu qu’ils avaient,
à ne jamais baisser l’échine devant celui qui essaie de vous humilier, fût-ce même un premier ministre.
Paul serre sa mère dans ses bras et elle luit dit : ‘’Va fils, va. Ta route n’est pas terminée’’.

Paul Rose voit au loin de gros nuages, il s’approche. Ça boucane fort dans ce coin là.
Il entend des exclamations, des rires, un mélange de paroles de Léo Ferré et d’Elvis Gratton. Mais oui! C’est Yves Boisvert, le poète et Pierre Falardeau qui fument comme des cheminées et qui se relancent à qui mieux mieux autour d’une table remplie de drafts. Les deux tartes s’exclament en riant et se mettent tous les deux par terre pour faire des salamalecs au grand Paul Rose qui vient de faire son entrée au chic ‘’Paradise’’.

Mais les rires tout à coup se transforment en larmes, en larmes de joie, car Falardeau et Boisvert sont trop heureux de donner l’accolade à Paul Rose. Derrière, ça boucane toujours, de plus en plus fort, et on entend : ‘’Ah ben tarbarnak, dis-moi
pas qu’au paradis on va enfin voir la vie en Rose. Te v’là mon homme’’. Et Michel Chartrand s’amène avec son gros cigare Monte Cristo de Cuba et serre Paul Rose dans ses bras. Et c’est au tour de Paul Rose de pleurer comme un enfant, car s’il y a un homme qu’il a admiré dans sa vie c’est bien Michel Chartrand, un rare homme, un monument, un père, un poète. Et Paul Rose,
déterminé comme jamais demande à ses amis de patienter un peu. Il a encore des gens à rencontrer. Un peu plus loin, toujours dans un épais nuage, il arrive près d’un endroit où est attablé René Lévesque. Ils se toisent en silence. Un long silence. Paul s’avance et serre la main de René Lévesque et celui-ci enlève la cigarette de sa bouche et lui dit : ‘’Sans rancune’’. ‘’Ça va aller, monsieur Lévesque. Chacun sa manière’’ répond Paul. Paul Rose laisse Lévesque à sa table où Ti-Poil tente d’écrire un roman de science-fiction. Paul Rose est pressé de continuer, même si, comme on dit, il a toute l’éternité devant lui.

Paul Rose marche, marche, avance, va droit devant, il ne lâche pas. Il avance, il envoie des baisers à Pauline Julien et à Gérald Godin, à Pierre Vadeboncoeur et à Pierre Perreault. Il envoie la main à Félix Leclerc, André d’Allemagne et Pierre Bourgault sans oublier la flamboyante Hélène Pedneault et le non moins flamboyant Gaston Miron. Il continue d’avancer, de marcher et lentement une drôle d’odeur lui monte au nez, il sait qu’il n’est pas loin. Il entend une musique lancinante et envoûtante, ça sent l’encens de plus en plus, les épices. Au loin là bas, il voit un rouet, un tout petit rouet et derrière le rouet, lui, le petit homme maigrichon, laid, avec des lunettes trop grandes pour lui. C’est bien lui, Gandhi. Le Mahatma Gandhi, celui qui a botté le derrière aux Anglais, celui qui a reconquis son pays, celui qui, entêté et patient a su désobéir à l’envahisseur. Et pendant des heures Paul Rose parle avec Gandhi d’indépendance, de désobéissance civile, d’entraide, de bonté, d’amour et de liberté. Il est si bien qu’il n’a pas envie de partir, mais c’est plus fort que lui, il reprend la route, car il veut serrer dans ses bras celui s’est battu jusqu’à la mort pour la liberté des siens : Louis Riel.
Et Paul Rose marche, marche, ne se décourage pas, il continue, il avance et il finit par voir Louis Riel qui s’avance vers lui avec un large sourire et sans un mot comme deux frères ils poursuivent le chemin qui longe ce fleuve magnifique qu’est le St-Laurent et après un long moment ils s’arrêtent devant un mur. Ils gardent silence et se recueillent. Ce mur est celui de la prison Au Pied du Courant à Montréal et ils entendent soudainement, un roulement de tambour puis des ordres qui sont gueulés en anglais, puis un grand cri qui vient du fond des tripes : VIVE LA LIBERTÉ, VIVE L’INDÉPENDANCE. Un bruit sec, celui de la trappe qui s’ouvre. Ils savent, tous les deux, ils savent que de l’autre côté du mur où il est écrit au-dessus de la porte Au pied du Courant, tous les deux savent que François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier, chef des Patriotes, vient d’être pendu.

Paul Rose voit soudainement Chevalier de Lorimier s’avancer vers lui. Paul Rose pleure toutes les larmes de son corps et lui demande pardon. ‘’Pourquoi? dit Chevalier de Lorimier’’. ‘’Parce qu’après tout ce temps, nous n’avons pas encore réussi à devenir un pays libre. Nous sommes plusieurs à y avoir consacré notre vie’’ dit Paul. ‘’Je sais, je sais dit Chevalier de Lorimier. Mais il ne faut pas désespérer. Ne t’inquiète pas, car comme l’a si bien dit notre Gaston Miron : CELA NE POURRA PAS TOUJOURS NE PAS ARRIVER’’.

Et bras dessus bras dessous Lorimier, Louis Riel et Paul Rose s’en vont rejoindre les autres pour fêter l’arrivée de Paul et toute la nuit ils riront et boiront de nombreuses drafts en n’oubliant pas d’aller pisser au-dessus de la maison de Patrick Lagacé.

 

Guy Marchamps

Publié dans Glanures

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article