L'infini encerclé
.
Observé par la fin comme à l'envers par des jumelles
minuscule et synthétique ce qu'il demeure de ton univers
dans un cercle enfermé avec dédoublement pour la stéréoscopie
le voici en charpie Scalpel de l'oubli taillant dans ta mémoire
pour une ultime tentative d'exciser l'organe de la douleur
.
Ici rêve des compagnons perdus dans le bazar des cuivres
des tapis polychromes des statuettes et des bijoux gravés
Des compagnons qui n'ont pas attendu Jamais retrouvés
Là panorama de collines et de vallées endormies dans les draps dorés
du soleil bas Les petits ânes trottinant entre les roseaux des marais
Les facettes des pierres nues qui brillent en un silence de cristal
.
Les amis aimés rencontrés et disparus par la faute de la vie
qui distend insensiblement les cordons occultes reliant nos étoiles
Désamours Blessures sans remèdes Clairs de lune ensanglantés
des nuits de crises Lorsque les rythmes femelles prennent le dessus
Et qu'au bois la chouette raisonnable hulule comme si on l'étranglait
.
Le feu de la discorde qui subitement rassemble les corps humides
Les eaux claires qu'ensemble on surveillait du parapet du pont
et dont les reflets défilaient avec des visages entrevus toujours
ravissants ainsi que ceux des ondines aux vitres des automobiles
L'aéroport illuminé où de lourds poissons s'envolent vers le paradis
qu'annoncent des voix factices qui font dresser plus que l'oreille
.
Mais aussi bien sûr la solitude à l'odeur de champignons moisis
Le gouffre qu'une promenade au bois creuse dans nos pensées
La pauvre folle rencontrée sur le chemin qui raconte des choses
avec la même conviction que les gens qui parlent au téléphone
Le bébé joyeux au bord de la table qui patouille dans sa purée
.
Mourir cela veut dire abandonner tout cela irrésolu disait Benn
le dermato allemand dans son poème Monolog À l'instant de la mort
nous aussi nous verrons notre vie avec un œil de médecin-légiste !
Xavier Bordes