La Maison de la poésie

Publié le par la freniere

Grogne autour de la Maison de la poésie (MP) : une suite d’événements pointe vers une profonde insatisfaction à l’égard du fonctionnement de l’organisation qui a pour mission de promouvoir la poésie au Québec et à l’étranger depuis 15 ans.

 

Le Devoir a appris que Le Noroît et Poètes de brousse se sont récemment désistés du déjà petit cercle des éditeurs membres de la MP. La première maison a envoyé sa lettre de retrait en décembre dernier parce que « les intérêts des éditeurs de poésie et ceux de la Maison ne sont peut-être plus les mêmes », a confirmé l’éditeur Paul Bélanger, sans vouloir s’étendre sur le sujet.

 

L’adhésion à la Maison de la poésie n’engage aucune responsabilité spécifique. Symbolique, elle consacre toutefois une reconnaissance de la part du milieu à l’égard du seul organisme qui les représente. « Se retirer est un geste extrêmement important », signale un autre éditeur qui ne veut pas se nommer.

 

De récents impairs, cumulés à d’autres passés, ont amplifié la grogne. Invité en mars à être président d’honneur du prochain Festival de la poésie de Montréal (FPM) organisé annuellement par la MP, le poète Jean-Paul Daoust rapporte que la direction a finalement changé d’idée il y a dix jours, même si une rencontre au sujet de sa possible implication avait déjà eu lieu.

 

« C’est aberrant, plaide ce dernier, qui n’ose plus envisager la proposition relancée pour l’année prochaine. On ne va pas solliciter quelqu’un pour le flusher ensuite. Ça fait 40 ans que j’oeuvre dans le milieu et je n’ai jamais connu ça de ma vie. »

 

Toujours membre et toujours présente au Marché de la poésie, la maison Les Herbes rouges a refusé de participer au prochain festival en juin, protestant contre l’absence de cachets pour les poètes participant à certaines lectures. « C’est beau, la promotion, mais on en a un peu marre, surtout quand la demande vient d’un organisme qui reçoit des subventions et existe depuis 15 ans. » À cela s’ajoute un imbroglio autour du plus récent recueil de Jean-Marc Desgent, Ne calme pas les dragons, d’abord accueilli dans la course au Prix du FPM malgré le retard de sa candidature, puis refusé.

 

La directrice artistique et générale de la MP, Isabelle Courteau, rétorque qu’elle a relayé les demandes de cachet au Conseil des arts et des lettres du Québec, rappelant l’exercice difficile de « tout faire avec 35 000 $ reçus du CALQ », entre autres subventions. Elle dit avoir respecté les règlements du prix, mais reconnaît l’erreur commise en invitant M. Daoust à présider le festival avant de constater que les activités spéciales du 15e anniversaire laisseraient trop peu de place « pour un poète de cette trempe ».

 

Elle attribue les défections d’éditeurs à la déception du milieu quant au projet inabouti de se doter d’un lieu, d’une véritable maison de la poésie. « C’est le projet rassembleur, souligne-t-elle. Les gens sont membres parce qu’ils veulent ce lieu. » Le plan de construction de 1,5 million de dollars (selon sa mouture initiale d’il y a huit ans) est en révision depuis l’arrivée du maire Ferrandez dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

 

Plusieurs acteurs du milieu, qui tiennent à l’anonymat, vont pourtant jusqu’à remettre en question le leadership de Mme Courteau, soulignent le manque de transparence et de dynamisme de la MP. Tous insistent néanmoins sur la grande importance de la MP, de son festival et du marché qu’il abrite. On regrette que la MP ne soit pas devenue, après 15 ans d’existence, « le lieu de partage espéré », « qui dépasse les inimitiés et les différences esthétiques ».

 

Frédérique Doyon    Le Devoir

 

Publié dans Glanures

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