La paix, maintenant
Partout dans le monde, intellectuels et artistes se mobilisent en très grand nombre (même en Israël) pour dénoncer le massacre à bout portant des palestiniens et faire cesser cette sale guerre. Israël a été officiellement déclaré état terroriste non grata par le président bolivien Evo Morales. Les palestiniens n'ont fait qu'exiger la fin du blocus et la mise en oeuvre d'un État de droit qui leur a toujours été refusé depuis la Nakba de 1948. Ont-ils torts? Il est vrai que les premiers résistants français étaient accusés d'être des terroristes soviétiques par les pouvoirs publiques de notre pays alors à genoux, sous prétexte qu'ils étaient des communistes. En France dans un premier temps, le président Hollande et son gouvernement ont apporté un soutien sans faille à Israël, mais au vu de la gravité insoutenable des événements récents, il semblerait qu'une marche arrière, certes encore balbutiante, ait été amorcée. En France le monde de la culture est, jusqu'à présent, resté on ne saurait plus discret malgré et ne s'est pour ainsi dire pas manifesté pour dénoncer le caractère d'ordre criminel des événements en cours. Quant à nos vénérables poètes français toujours en première ligne dès qu'il est question de résistance, où se planquent-ils maintenant ? Sur les sites français de références de la poésie, rien ! Absolument aucune voix ne s'élève ne serait-ce que pour soutenir nos frères et soeurs poètes palestiniens au milieu de leur peuple sous les bombes, aucune allusion même à l'engagement - a minima - qui devrait pourtant être celui de tous les poètes sans exception en un temps géocidaire. Après coup, une fois la comptabilité définitive des morts achevée, ils auront beau jeu nos hérauts académiques à pérorer et à étaler théories et éxégèses sur l'oeuvre des Char, des Beckett, Éluard, Aragon, Desnos, Peret, Césaire, Sénac, ... La vitrine internet de La Maison de la Poésie annonce une performance poétique à hauts risques du second couteau M.. Houellebecq. Les petites affaires continuent comme avant, scrupuleusement, d'un festival à l'autre, c'est l'été, les grandes vacances miraculeuses de l'été. Et puisque Mahmoud Darwich s'en est allé dans les contrées mythiques des Immortels, la Palestine n'a plus guère d'autres raison d'être que de figurer dans des anthologies surannées. Quelle honte et quel exemple pour les jeunes générations en perte de repères solidaires. Depuis vingt ans et plus, la poésie n'a eu de cesse de s'abstraire des réalités oppressantes que nos sociétés font peser, avec force propagande, sur l'ensemble des populations complètement envoûtées par le rythme infernal de l'économie spectaculaire. Lorsque les feux de la révolte s'éteignent, le déshonneur des poètes finit par se fondre dans l'obscur.
Cette indifférence, cette insensibilité des gouvernants comme des gouvernés rappelle douloureusement la révolte du ghetto de Varsovie en avril 1943 dont un des chefs, Samuel Zygielbojm, écrivait avant de se suicider « La responsabilité du crime… incombe en premier lieu aux fauteurs du massacre, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et les gouvernements des nations alliées qui n’ont, jusqu’ici, entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime… Par ma mort, je voudrais, protester contre la passivité d’un monde qui assiste à l’extermination du peuple juif et l’admet. ».
Xavière Jardes