La terreur

Publié le par la freniere

On allait au travail, la nuit. On lisait

Les rapports, les fiches de renseignements, les procès-verbaux.

On signait en hâte les condamnations.

On bâillait. On buvait du vin.

À l’aube, on distribuait la vodka aux soldats.

Le soir, à la bougie,

On convoquait, sur listes, des hommes, des femmes,

On les poussait dans la cour sombre,

On leur ôtait chaussures, linge, vêtements,

On les liait en ballots.

On les jetait sur une charrette. On les emportait.

On partageait les bagues, les montres.

La nuit, on les chassait, pieds nus, sans nourriture,

Sur la terre engivrée,

Au vent du nord-est,

Hors de la ville, dans les terrains vagues,

On les poussait à coups de crosse jusqu’au bord du ravin,

On s’éclairait de torches.

Une demi-minute, fonctionnait les mitrailleuses.

On les achevait à la baïonnette.

On en jetait dans la fosse, qui vivaient encore.

À la hâte, on les recouvrait de terre.

Puis, au son d’une vaste chanson russe,

On retournait en ville, chez soi.

Au lever du jour, s’acheminaient vers le ravin

Les épouses, les mères, les chiens,.

Ils creusaient la terre, rongeaient les os,

Embrassaient la chair aimée.

 

Maximilian Volochine

Traduit du russe par Alain Bosquet

Publié dans Poésie du monde

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