Le train
à mon père
Dans le même train depuis ta naissance
un train qui traverse la terre en une nuit
par un chemin mystérieux, rectiligne
où ne s’aventurent ni piétons ni voitures
tu rêves parfois à l’envers du monde
aux abeilles de la mer dans les pins
à la montagne comme une tranche d’agate
mais tu dors de plus en plus mal
depuis la fin de ton enfance. Il te semble
avoir déjà fait le tour de la terre
Tu veux remonter le train en titubant
comme pour hâter la venue du matin
Bientôt, dans la cabine du mécanicien
aperçu de dos par éclairs autrefois
tu découvriras qu’il n’y a plus personne
que les signaux s’adressent à toi désormais
et tu ne verras plus venir le paysage
de profil comme avant, mais de face
Jean-Pierre Lemaire