Nous n'irons pas

Publié le par la freniere

Cette année, nous n’irons pas à la mer. La mer est distante. La mer est froide. La facture, salée. On retrouve sur le littoral l'entassement que l'on croyait réservé aux transhumances métropolitaines, la chaleur humaine en moins. Cette compression du personnel bronzant révulse l'âme, ruine son intimité et la dilue dans l'âcre atmosphère des sudations coagulées. Enfin et pour comble, on constate ces dernières années une fainéantise des flots, une absence criante de lame, une inertie seulement troublée par les noyades de loisirs. Cette gourmandise criminelle indique assez que la mer recèle un fond sournois. Pourtant, la grande tasse n’est pas incriminée. C'est au contraire l'inconséquence des naufragés qui est avancée pour expliquer leurs fins tragiques à quelques encablures des champs de parasols. La mer en panne de vagues, disions nous, exalte l'esprit à l'égal d'une montagne réduite en poussière et saupoudrée sur la face cachée de la lune. Autant barboter un blues dans une flaque en compagnie de canards hébétés. Aussi a-t-il été établi que l´argent des déceptions serait reconverti dans l'inoxydable matériau de bicyclettes neuves grâce auxquelles nous prendrions le large vers l'intérieur. Embarquer pour des paysages, traverser des horizons maquillés d'arbres, photographier les vaches.

 

Jean-Michel Niger

Publié dans Poésie du monde

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I
<br /> Excellent ce texte !<br />