On naît toujours d'un doute

Publié le par la freniere

On naît tou­jours d’un doute.

 

D’une embus­cade en coup de fusil au coin d’un lit

 

Alors que la radio des autres hurle au quar­tier tran­quille per­fo­rant le silence tapis aux réver­bè­res.

 

Sous le regard hor­ri­fié des anten­nes du monde prê­tes à ren­dre compte.

 

On naît tou­jours d’un doute.

 

Sur une mar­che d’église où la pluie saute-mou­tonne avec la barde du sacris­tain.

 

Dans la fiè­vre mal payée des accou­che­ments par ordi­na­teur

 

Dans un taxi.

 

Dont le chauf­feur obèse se retourne à cha­que mètre l’oeil sur ses cous­sins par­lant de prise en charge, de mau­vaise reprise et de licen­cie­ment abu­sif.

 

Sous les mains inex­per­tes d’une matrone aux ais­sel­les poi­lues comme cel­les d’un Satan.

 

On naît tou­jours d’un doute

 

Sans mar­raine mira­cle pour créer l’atmo­sphère d’un ave­nir à per­cer.

 

Heu­reux et sans sou­cis.

 

A l’hôpi­tal des pau­vres parce que la neige est tom­bée bien plus tôt que prévu.

 

Dans un com­mis­sa­riat

 

Dans la pèle­rine encore chaude des coups d’une mani­fes­ta­tion avor­tée.

 

Dans un esca­lier - entre le qua­trième et le cin­quième - avec pour tou­jours la trouille des ascen­seurs.

 

On naît tou­jours d’un doute

 

Sur le paillas­son beige de l’ultime con­cierge en forme de cor­don qu’il fau­dra bien cou­per.

 

Dans un pas­sage obs­cur où se règlent les comp­tes quand ils devien­nent trop lourds.

 

A l’armée du salut coincé entre deux cor­des pour toute vie vécue.

 

Sur une bar­ri­cade comme une petite fleur aux péta­les mitraillés.

 

En pré­ma­tu­ré­ment

 

Une vie en trop

 

trois siè­cles en retard

 

et tou­jours avant terme.

 

En cou­veuse pour gros­sir.

 

Les deux pieds dans le vide et la tête fœtale trop près des blancs bon­nets.

 

Les yeux sur les orbi­tes des rails pour regar­der plus loin que l’âge des séma­pho­res.

 

On naît tou­jours d’un doute.

 

Dans la sau­vette rance des tuli­pes de Hol­lande en panne d’effu­sion.

 

À la barbe des muset­tes aux casse-croûte gar­gan­tues­ques.

 

Au milieu malé­fi­que de mille maré­ca­ges qui se refer­ment ensem­ble autour de votre cou

 

Dans la lunette d’un car­can.

 

Sur des che­mins de halage rom­pus à tous les tra­que­nards des ber­ges.

 

Au milieu des hom­mes

 

Pas très loin d’une étoile.

 

On naît tou­jours d’un doute.

 

Jean-Pierre Lesieur

 

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Publié dans Poésie du monde

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