Paroles indiennes
Il y a quelques jours, dans le Grand Nord, à Inukjuak, Minnie Nayoumealuk est morte. Elle n'était âgée que d'une quarantaine d'années. Elle avait écrit le poème qui suit, en anglais. J'ai pensé que ce texte valait la peine d'être diffusé puisqu'il me paraît extrêmement évocateur d'une situation sociale difficile qui ne fait que prendre de l'ampleur chez les Inuits du Nunavik, et qui touche particulièrement les femmes et les enfants.
J'avais sept ans, un homme m'a violée
À huit ans, mon père me versait du brandy
À neuf ans, mes parents étaient gentils
À dix ans, j'ai appris à voler à la Coop
À onze ans, j'apprenais à faire des clean-up
À douze ans, je sniffais de l'essence
À treize ans, je priais Satan
À quatorze ans, j'ai vu deux filles
Tuer leur amoureux d'un coup de fusil
À quinze ans, mon père est mort
Puis un homme de ma famille m'a violée
C'est dur de pleurer
À seize ans, je ne faisais que jouer au Bingo
Et à la loterie Number 7
À dix-sept ans, j'étais en colère
Je ne faisais que crier
À dix-huit ans, j'apprenais à boire, à me droguer
À me suicider en mettant une aiguille dans mon bras
À dix-neuf ans, mon amie est devenue lesbienne
À vingt ans, un autre homme m'a violée
À vingt et un ans, je disais fuck you et bitch
Et shit et asshole
À vingt-deux ans, j'ai recommencé à sniffer de l'essence
À vingt-trois ans, j'ai appris à mentir
À ma famille, à mes amis
Mon coeur souffre
Il a beaucoup souffert
Je ne connais pas l'amour
Je ne sais pas serrer les autres dans mes bras
Je ne sais pas comment pardonner
Je veux être une bonne personne
Je ne veux plus être de mauvaise humeur
Je veux apprendre
À serrer quelqu'un dans mes bras
À aimer à pardonner
En même temps, je veux me droguer
Mettre une aiguille dans mon bras
Pour mourir
Je suis si fatiguée d'être en vie
Je suis maintenant différente
Je m'oppose à tout le monde
La vie n'est pas facile
J'ai plus que jamais besoin d'aide
Qui peut m'aider aujourd'hui
Toute seule, je ne peux y arriver
Minnie Nayoumealuk
traduit par Jean Désy